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25 septembre 2006 1 25 /09 /septembre /2006 07:59

Soixante ans les séparaient

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                                          Allez et enflammez le monde

                                                                  (Ignace de Loyola)

 

Au printemps 1966, nous venions de réoccuper Elisabetha (Lokutu) protégés par des militaires et des volontaires, entendez par volontaires ce que l’on a appelé des mercenaires.

Les opérations militaires étaient loin d’être terminées, la pacification était toujours en cours.

Nous étions au cimetière de Basoko pour enterrer un de ces mercenaires tué dans une embuscade sur la route de Koret en territoire de Yahuma.

De par ma fonction, je représentais mon employeur dont les plantations étaient protégées par ces hommes armés.

Cimetière de brousse, cimetière d’Afrique, peu entretenu, sur occupé, désordonné et la seule place que l’on avait trouvée pour donner une sépulture un peu décente à cet homme tué au combat était dans le sentier, séparant des blocs de tombes.

Pendant la brève cérémonie, mes yeux se posent sur la tombe voisine, séparée de la fosse dans laquelle nous enterrions le militaire par seulement une trentaine de centimètres.

Je m’aperçois alors que c’est celle d’un grand, d’un très grand explorateur, George Grenfell.

George Grenfell, missionnaire de la Baptist Missionnary Society, a exploré une partie du Cameroun de 1874 à 1884; il a reconnu le tracé d’au moins quatre rivières.

En 1884, il est venu au Congo et durant deux ans, a parcouru plus de 20.000 kilomètres reconnaissant à bord de son bateau baptisé “Peace”, dont la carcasse serait toujours à Kinshasa, l’Ubangi jusque Zongo, la Mongala, l’Itimbiri, la Lomami, le Kasaï, le Kwango et quantité d’autres rivières dans la cuvette.

Soixante ans les séparaient.

Etrange situation dans laquelle deux hommes tellement différents se retrouvent voisins, très proches voisins pour l’éternité.

L’un, militaire de fortune, l’autre missionnaire; l’un qui vivait de violence sans état d'esprit tuant et détruisant lorsque cela était nécessaire; l’autre, homme de paix, de bonté, venu pour répandre "sa bonne parole"; l’un homme sans beaucoup de spiritualité, l’autre théologien.

Deux visions différentes de la manière d'enflammer le monde.

Mais l’un comme l’autre sont morts, ont donné leur vie pour un pays, un coin de continent dont ils ignoraient jusqu’à l’existence dans leur prime jeunesse.

 

POST-SCRIPTUM

 

Durant le mois de mai 2007, quatre ans après avoir écrit le texte ci-dessus, je lisais les carnets du Docteur Paul Briart, édités par Dominique Ryelandt chez “ L’harmattan” en 2006.

Intitulé : “ AUX SOURCES DU FLEUVE CONGO - Carnets du Katanga (1890 - 1893)”

 

En page 64, je lis:

 

“ Histoire de Messieurs Grenfell et Comber.

“ Ces deux missionnaires anglais étaient au Congo depuis quelques temps quand ils éprouvent

“ l’envie de se marier. Ils écrivent donc à leur maison commettante, qui se hâte de leur expédier

“ deux jeunes filles blanches, l’une destinée à Comber, l’autre à Grenfell. Mais celui-ci, malin,

“ et d’ailleurs chef à ce moment, prit le bateau et s’en alla recevoir la marchandise. Il s’aperçut

“ que la future Mme Comber était beaucoup plus jolie que l’autre. Il profita de ce qu’il était seul “ pour l’épouser, laissant sa propre future épouser M. Comber. Le procédé était assez peu

“ délicat pour un missionnaire, et la Providence lui devait un châtiment. En effet, il arriva tôt:

“ ayant pris au service de sa femme une jeune et jolie négresse, il les emmena avec lui au

“ Cameroun où il devait faire une sorte de villégiature. Là, il perdit sa femme, et comme il avait

“ près de lui cette jolie servante, la faim, l’occasion,...

“ Enfin, il succomba et lui fit un enfant. Là dessus grand tapage et blâme énergique de la maison “ mère, qui le somma de réparer la vitre brisée et le rétrograda, lui donnant pour supérieur le “même M. Comber, jadis son inférieur et qu’il avait trompé si singulièrement.”

 

Et en page 74:

 

“ 3 novembre (1890) - Arrêt à Bolobo pour faire du bois. Nous y voyons la mission Grenfell, très “ bien établie, gouvernée par Mme Grenfell, une noire du plus beau teint, qui a deux ou trois

“ enfants demi-blancs.”

 

Quelque prestigieuse que soit la carrière d’un homme, quelqu’ élevé que soit le sens de son dévouement envers sa foi, envers son prochain, il est aussi un homme avec ses faiblesses et ses traits de caractère personnels, foncièrement humains.

L’anecdote relatée ci dessus, ne doit en aucun cas ternir notre admiration envers ce grand explorateur, ce grand humaniste, ce grand missionnaire convaincu que sa foi était la bonne, bref, ce grand homme qu’était george Grenfell.

 

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