Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 16:26



                                                Une totale intégration

                                                            ====================



                                                                    
                                                                             Comme un poisson dans l’eau !

            C’est en 1961, que nous avons entendu parlé de lui pour la toute première fois, quoique, jamais, nous n’avons eu le plaisir de le rencontrer.
            C’était un homme encore jeune, probablement un peu plus de la trentaine à l’époque, peut être de nationalité belge, car il portait un nom à consonance néerlandophone, Bogart ou van den Bogeart, mais nous ne pouvons le certifier.
            Il s’était installé en brousse, dans un village à 70 ou 80 kilomètres de Yahuma, sur la route d’Opala.
            Il y avait construit sa hutte, bien entretenue, entourée d’une clôture soignée, une parcelle nette, balayée tous les jours, quelques caféiers, des bananiers doux, des papayers et quelques légumes.
            Il ne se livrait à aucune activité agricole ou commerciale, il était seulement là, vivant au milieu des villageois, des Ngandu, intégré, accepté comme un des leurs, sans complexe, heureux de sa vie simple et près de la nature.
   
            Le matin, à la pointe du jour, il sortait de sa case, pieds nus, en pagne, sa machette sur l’épaule droite, sa besace à son  côté et allait, comme les autres hommes du village, vers la rivière pour y faire sa toilette.
            Puis, tranquillement, il faisait un tour dans la forêt, relevant quelques pièges, pêchant quelques poissons naïfs, et rentrait dans sa parcelle avec une calebasse de vin de palme tout frais.
            Il y retrouvait sa ou ses compagnes qui avaient été dans le champs familial récolter quelques tubercules de manioc, des bananes plantains, une poignée de légumes locaux, peut être capturer une tortue égarée ou tué un serpent pas assez rapide, et qui s’activaient à faire bouillir la marmite du repas journalier.
            Parfois, il prenait son arc et son carquois et avait peut être la chance d’ embrocher un cercopithèque pas assez prudent avec une de ses flèches qu’il taillait lui-même.
            Un homme content, sans histoire, loin de sa civilisation, sans soucis de métro, de patron grincheux, d’impôts à payer, de factures à honorer, sans aucune ambition... une homme heureux.
            Les Révérends Pères de la mission ainsi que les Révérendes Sœurs, qui connaissaient bien et parcouraient régulièrement la région, n’en parlaient jamais, ne faisaient même jamais allusion à sa présence, on peut supposer que pour eux, il était une brebis égarée.
            Il vivait comme un simple villageois, un de plus dans cette petite collectivité à laquelle il était totalement intégré, parlant la langue, se pliant aux us et coutumes, se soignant à l’aide de la pharmacopée traditionnelle.
            Et le soir, il se joignait aux hommes du clan, un parmi les autres, sous la barza collective pour y discuter, échanger les potins de la vie du village.
            Un homme heureux, qui avait fait un choix.
   

                                                                                  Il était venu de nulle part
                                                                                  Il y est retourné

            Mais le drame n’était pas loin.
            Un jour d’aout 1964, une horde armée d’hommes se référant à Pierre Mulele et qui prétendaient imposer un ordre nouveau ont investi la région.
            Ils ont semé la terreur dans ce paisible village et ont arrêté et malmené ce pauvre homme qui n’avait strictement rien à se reprocher.
            Après plusieurs jours de calvaire, c’est devant le bureau du Territoire de Yahuma, qu’en compagnie d’une poignée de notables congolais, devant la population médusée qu’il a été passé par les armes.
   
            Que pouvait-on lui reprocher ?
            Il n’avait aucune autorité dans le cadre de l’administration, n’était pas militaire, n’était pas policier, ni riche commerçant, ni juge, ni chef de Groupement, ni même notable, il n’était rien, rien, sauf... qu’il avait la peau blanche.
            Il nous a été dit que juste avant d’être fusillé, il a demandé à ses tourmenteurs de prendre la parole.
            Cela lui a été refusé et il a été immédiatement exécuté.
            Les rebelles mulelistes savaient que si cet homme, aimé et respecté de la population, avait pu prendre la parole en dialecte ngandu, il aurait pu en quelques mots provoquer un mouvement de foule dont les nouveaux maîtres n’auraient pas été certains de pouvoir maîtriser.
   
             Pourquoi un jeune homme a-t-il laissé sa famille, ses amis, son village, ses habitudes ?
            Quel tourment a pu pousser un jeune de vingt ans pour ainsi tout abandonner et s’exiler volontairement au centre de l’Afrique ?
            Il est venu en Afrique, il y a vécu heureux et est resté en Afrique.
            Quels souvenirs a-t-il laissés ?
            Aucun à ma connaissance; si, peut être quelques enfants métissés qui sont actuellement des adultes vieillissants et qui, même s’ils étaient retrouvés n’auraient rien à nous dire.

            Seul nous pouvons encore vaguement nous  souvenir de lui et nous rappeler sa mémoire.
            Encore un secret de l’Afrique.

                                                                                         Antonio
                                                                                       03.06.2011
   

Partager cet article
Repost0

commentaires