VISION FUGACE DE LA CHINE
============================== Du 29.09 au 12.10.2007
Quand la Chine s’éveillera...
l Le monde tremblera.
Napoléon 1er
Que c’est loin, c’est même très loin pour les démocrates qui voyagent en classe touristes, à qui on octroie un siège d’avion large de 50 centimètres et profond entre le dossier du siège et celui du siège précédent de 70 centimètres seulement.
Cela peut encore être concevable pour un nain de jardin mais pour celui qui pèse 100 kilos et mesure 180 centimètres, c’est assez limité, d’autant plus que le temps de voyage est vraiment long.
Parti de Zaventem via Copenhague, cela fait onze heures de navigation plus encore trois heures d’attente dans l’Airbus A320 de la compagnie SAS à Copenhague, ficelé sur son siège pour un quelconque problème technique.
Le retour fut un peu moins fatiguant, dix heures de voyage entre Shanghai et Francfort dans un Boeing 747 de la Lufthansa nettement plus confortable.
Nous avions, dès le départ, quelques idées préconçues quant aux lenteurs administratives (nous avions eu quelques expériences en Ouzbékistan et à Cuba), à la nourriture et à la propreté des lieux d’aisance.
Dès l’arrivée, nous nous trouvions dans un Etat policier bien sûr mais bien organisé, une vingtaine de bureaux pour passer la frontière dont au moins quinze occupés par un préposé. Inespéré !
Aucune tracasserie, sauf un sourire et un “Welcome in China” de la part des galonnés de service.
Mais que d’uniformes ! !
Durant tout notre voyage, nous n’aurions su les compter, des noirs, des verts, des gris, des bruns, des beiges et que sais-je encore.
Les policiers semblent être en noir, avec leur matricule métallique au-dessus de la poche gauche, minimum cinq chiffres et j’en ai vu un avec sept chiffres.
Des militaires, au garde-à-vous dans des endroits les plus inattendus, à l’entrée des sites, bien sûr, mais aussi dans les temples, dans les squares, aux coins des rues, nuques rasées, képis haut perchés, sans arme, raides comme des piquets de clôture.
Dans les musées, que nous visiterons plus tard, dans chaque salle, un ou deux gardiens, en uniforme, bien sûr, à l’extérieur dans le couloir d’autres uniformes qui patrouillent; à l’entrée, à la sortie, partout des uniformes, on doit s’y habituer, ils sont impeccables, non inquisiteurs, mais ils sont là et je n’en parlerai plus.
Hôtels et restaurants
Nous étions logés dans des hôtels quatre étoiles où il y avait de nombreux touristes mais aussi beaucoup de clients chinois.
Hôtels grandioses, luxueux, partout du marbre et des fleurs, un personnel pléthorique, discipliné et bien organisé.
Un soir, en arrivant dans notre chambre, nous nous apercevons qu’une ampoule de la lampe d’une des tables de nuit était grillée.
Je décroche le téléphone pour appeler le service d’étage, en anglais, et j’entends juste un soupir féminin de désolation de ne pouvoir comprendre ce que je dis.
Je descends à la réception, m’explique et rentre dans la chambre pour y trouver deux jeunes électriciennes en train de tester tout le système et d’expliquer à mon épouse son fonctionnement.
Plus rapide que cela, est difficile à trouver.
Les chambres d’hôtel sont spacieuses, neuves et confortables, d’une propreté irréprochable, munies d’une télévision qui propose cinquante ou soixante chaînes.
Malheureusement, sauf à Pékin où l’on peut capter CNN et BBC World Service, aucune de ces chaînes n’émet en une langue susceptible d’être connue par nous Européens, ni en anglais, ni en allemand, ni en français, ni en italien, ni en espagnol et même pas en néerlandais.
Parfois, la robinetterie des salles de bains mériterait une cure de rajeunissement.
La nourriture est exclusivement asiatique, une douzaine de plats à chaque repas, deux repas chauds par jour, souvent de même base, beaucoup de légumes et moins de protéines, le tout agrémenté de thé vert mais aussi d‘une variété de bières locales à 10 yuans la bouteille de 750 cc.
Aucune lassitude cependant car si les ingrédients varient peu, la manière de les préparer et le dosage des épices ajoutées font de la cuisine chinoise sophistiquée, destinée aux touristes, un délice dont on ne peut se lasser en deux semaines.
Les petits déjeuners se composent d’un buffet complet de type américain et d’un buffet asiatique qui vous permet, si le cœur vous en dit, d’apprécier une douzaine de plats typiquement locaux. A huit heures du matin... c’est un peu tôt.
Nous n’avons pas pu savoir ce qu’un Chinois de base, citadin ou paysan, mangeait, certainement pas régulièrement les plats raffinés qui nous ont été présentés.
Le transport
Ce qui frappe dans les villes, même de moyenne importance, c’est la largeur des avenues; une chaussée avec quatre bandes de roulement de chaque côté, plus deux bandes pour les cycles est d’une dimension tout à fait normale.
Des routes qui se recoupent au centre-ville sur deux étages est chose courante, aucune comparaison avec nos villes en Europe. Ils ont vu grand et savent que tôt ou tard la circulation prendra un essor inouï.
Beaucoup de voitures toutes neuves ou presque, pas de vieux tacots tels qu’on peut les voir en Afrique, aux Indes ou en Amérique du Sud, septante cinq pourcent du parc automobile sont des Volkswagen, construite à Shanghai, des Santana 2000 ou 3000, des Audi aussi, dix pourcent sont des Buick et le reste, des asiatiques, quelques Peugeot et une marque de mini-voitures de fabrication chinoise appelée “QQ” qui ne semble pas faire de grandes performances commerciales et surtout pas à l’exportation malgré quelques essais vers la France paraît-il. On peut le comprendre.
Des cycles, évidemment, cyclo-pousses, vélos et motorettes genre Vespa semblent, avec les transports en commun, trolleybus et aussi, nous dit-on, métro ( à Shanghai certainement et peut-être aussi à Pékin) être le moyen de transport privilégié des Chinois.
Nous avons vu, à Shanghai entre la ville et l’aérodrome, un train monorail à grande vitesse, sur une ligne de 35 kilomètres, suspendu par courroie magnétique, sans aucun frottement au sol et qui nous a dépassé à 420 kilomètres à l’heure; il en a croisé un autre quelques minutes plus tard. Cela donne froid dans le dos, une différence de vitesse de presque huit-cent cinquante kilomètres/heure sur le même site ( pas sur le même rail heureusement ! ).
Les autoroutes inter-cités sont rapides et bien entretenues, elles sont parcourues par d’énormes semi-remorques soigneusement bâchées, si énormes que je ne pense pas qu’elles seraient autorisés à parcourir l’Europe.
Sous ces bâches, des produits divers, ciment, engrais agricoles, poutrelles d’acier pour la construction mais aussi et surtout des produits agricoles, des légumes, des choux principalement.
Il est évident que pour nourrir les habitants des grandes villes comme Pékin ou Shanghai qui comptent onze à quinze millions d’âmes, il faut que la paysannerie suive.
Tous ces véhicules sont en bon état et rares sont ceux que l’on voit en panne sur le bord de la route. Et l’on produirait 8000 nouvelles voitures par jour !
Nous avons pris deux fois des lignes d’aviation intérieures, d’une grande ponctualité, propres, au personnel souriant et accueillant, à la nourriture honnête et à l’organisation impeccable.
Incorruptibles cependant quant au poids de bagages autorisés; c’est vingt kilos par personne et pas un kilo de plus.
A Guilin, ville d’importance moyenne, entre le moment où l’avion a touché le sol, et celui où nous étions installés dans le car, bagages bouclés dans la soute, après avoir réglé les formalités d’arrivée, récupéré nos valises, contacté le guide local et embarqué dans le véhicule, il s’était passé exactement trente-cinq minutes.
Difficile de faire mieux comme organisation.
Nous avons aussi voyagé par train de nuit entre Pékin et (presque) Luoyang, couchettes impeccables, draps propres, toilettes correctes, une quinzaine de compartiments quatre places par wagon, une préposée assez jeune à l’uniforme toujours impeccable, chignon parfait... même à quatre heures du matin, souriante mais ne sachant pas un seul mot d’anglais.
On a quand même pu s’entendre pour avoir un compartiment qui nous convenait mieux.
Pékin
Une ville démentielle, prise d’une folie de construction inimaginable, couverte d’une forêt de grues.
Des centaines de buildings d’habitations s’alignent les uns à côté des autres, des kilomètres de routes, autant d’autoroutes urbaines sont en chantier, des stades, dont le stade olympique d’une architecture exceptionnelle, sont élaborés à partir d’une noria de camions semi-remorques chargés de ciment, de peinture et de poutrelles.
Tous ces buildings sont construits en acier, une boîte de construction qui s’élève à grande vitesse, sur vingt-cinq ou trente étages, puis revêtus de bêton et complétés par les aménagements intérieurs.
Assez élégants, ils seront peut-être dans trente ans les HLM des banlieues comme à Paris, mais en plus élégant.
En attendant, des quartiers entiers de taudis ont disparu ou sont en cours de démolition et les citadins sont ou seront bientôt relogés dans des habitations plus décentes et surtout plus modernes.
Les Jeux olympiques de 2008 sont naturellement l’occasion, la raison de moderniser totalement la ville, presque de la reconstruire.
Un propreté exceptionnelle, plus de détritus, de crachats, de cannettes de boissons sucrées; des poubelles avec pré-triage présentes à chaque coin de rues, de très nombreux balayeurs et de balayeuses, tout cela surveillé par une quantité d’uniformes dont j’ai déjà parlé.
Pékin, ainsi que les autres villes que nous avons visitées, inclus Shanghai, sont des villes propres qui peuvent concurrencer Singapour.
Encore une idée préconçue réduite à néant.
Shanghai
Quelle ville ! !
Manhattan me dit-on ! Je n’en sais rien, je n’ai pas vu Manhattan.
Il y a, paraît-il, à Shanghai deux mille buildings qui ont plus de trente étages et je veux bien le croire.
Une ville de quinze millions d’habitants, ruche remplie d’abeilles actives en perpétuel déplacement.
Des tours... celle de la télévision, 432 mètres. Juste à côté une tour d’habitation de 424 mètres et derrière elle, une tour en construction qui atteindra 519 mètres. Démentiel !
Une ville où il y a des riches, mais aussi un plus grand nombre qui n’ont pas réussi et qui cherchent leur place au soleil.
Ils ont construit trois buildings d’élévation moyenne, destinés aux nouveaux riches de Shanghai.
Chaque appartement a au moins 400 mètres carrés et le prix du mètre carré est de 13.500.- € ( oui euros).
Ils ont peut-être vu grand et ont peut-être été un peu trop vite, un seul appartement a jusqu’ici trouvé acquéreur.
Se promener en bateau sur la rivière Huangpu le soir vous fait voir une débauche de lumières, un feu d’artifice permanent, quand on pense que seuls 2.3 % de l’énergie de la Chine vient du nucléaire, produite par 11 centrales et que leur objectif est seulement de 6 %, ce qui demandera la construction de 31 nouvelles centrales en 13 ans. Le reste vient des barrages mais surtout des mines de charbon (70 %) qui prélèvent annuellement un lourd tribu de vies humaines parmi les mineurs de fond.
A côté de ces buildings impressionnants, les anciens établissements de l’ère coloniale, les banques, les bâtiments officiels, grandioses pharaoniques; et je dis pharaoniques car ils n’ont aucun cintre, tout est poutres posées sur des colonnes, comme le palais de justice de Bruxelles.
Les sites touristiques
Evidemment, nous allions en Chine pour voir des sites touristiques, pas tous, il faudrait des mois de visite, mais les principaux.
A Pékin, la place Tien-an-Men, nous a un peu déçus, des fleurs partout, présentées dans de très esthétiques montages (situation très générale en Chine), des jets d’eau, très beaux mais le mausolée de Mao gâche un peu la perspective. J’ai demandé s’il y avait aussi un mausolée aux soldats nationalistes non communistes. Il m’a été répondu que cela ne faisait pas partie du programme.
Le Temple du Ciel, la Cité interdite avec ses 9.999 pièces, le Tombeau des Ming, le Palais d’Eté et le bateau de marbre sur le lac Kunming, grandioses, magnifiques très bien entretenus, tout cela pour la gloire d’un seul homme, un peu démesuré même compte tenu du parallélisme de l’époque entre la magnificence du prince et la puissance de l’Etat qu’il représente.
A Chengde, le Temple du Bouddha géant, le petit Potala, et la grande muraille, forteresse coûteuse et, comme beaucoup de forteresses, inutile.
A Luoyang, les grottes bouddhiques de Longmen, les tombes de la dynastie Han, le temple des Chevaux blancs et le village des troglodytes ou du moins les quelques malheureux qui survivent dans ce trou dans la terre.
A Xi'an, la Pagode de la Grande Oie sauvage, la Forêt des Stèles (assez décevant), la grande Mosquée dont nous reparlerons et surtout, praline sur le gâteau, la célèbre armée en terre cuite: plus de 6000 soldats et animaux du premier empereur Qin-Shi-Huangdi, sans compter les chariots en bronze.
Ce site est extraordinaire, remarquablement présenté aussi, sous un hangar ultramoderne pouvant abriter certainement deux Boeing 747, tout en acier et en marbre et toujours en cours d’exploration par les archéologues.
A Guilin, magnifique promenade sur la rivière Li et promenade dans la campagne.
A Suzhou, la jardin de la Politique des Simples, le jardin du Maître des Filets, deux vitrines du raffinement artistique chinois, la Porte Panmen et la Colline du Tigre avec sa pagode penchée datant du X éme siècle.
A Shanghai, la vieille ville, les jardins du Mandarin Yu, le Temple du bouddha de Jade, shopping dans la célèbre “ Nankin Road” et l’inévitable promenade sur le Bund.
Nous avons aussi assisté à une représentation à l’Opéra de Pékin, une autre bien meilleur lors d’un dîner spectacle à Xi'an et à une soirée des célèbres acrobates de Shanghai.
Evidemment, nous avons visité des ateliers, des usines plutôt, de cloisonnés, d’élevage et de montage de perles d’eau douce, de perles d’eau de mer, des merveilles de travail du jade et bien entendu de la soie, de la soie et encore de la soie.
Tous ces ateliers sont couplés non pas à une boutique, mais à un immense magasin où le touriste est attendu par un bataillon de jeunes vendeuses, souriantes et extrêmement commercialement dynamiques.
Difficile d’en sortir vierge, je veux dire sans avoir dépensé quelques euros.
Dans chaque ville, à chaque étape, nous étions cornaqués par deux guides francophones: généralement un, bien au courant de son travail, et un stagiaire qui ne disait rien, souriante (en général c’étaient des femmes), aimable mais on se demandait quel était leur rôle. Peut-être surveiller les paroles du guide principal (mais là, je fantasme peut-être un peu).
Un de nos guides, un homme, celui qui nous a expliqué le site de l’armée de terre cuite était certainement très érudit ou en tout cas il connaissait très bien son travail.
Un autre, aussi un homme, à Luoyang, connaissait ce qu’il avait appris et expliquait très bien. Dans ce temple, il y avait une référence au chiffre 27 et à son quadruple, 108, qui est le nombre de livres sacrés du bouddhisme; je l’ai pris à part et lui ai demandé s’il était au courant de la position particulière en numérologie de ce chiffre 108.
Il ne semblait jamais y avoir pensé, on ne lui avait certainement jamais dit. Je lui ai expliqué, et son seul commentaire fut, en me regardant avec des yeux tout ronds (pour peu que cela soit possible pour un Chinois) : “ Dans votre pays, vous devez être un grand professeur ! “ . Je n’ai pas voulu le décevoir.
Nous avons aussi eu d’aimables guides féminines, consciencieuses et qui nous ont parfois donné des avis, en comité réduit, sur la vie quotidienne du Chinois moyen de 2007.
Les temples
Dans mon esprit, un temple est un lieu de recueillement, de prières.
Cela ne semble pas le cas d’un temple bouddhiste.
Il y a les Bouddhas, évidemment, quelques dizaines parfois, leurs gardiens statues bonhommes ou grimaçantes, puissamment colorées, puis les banderoles rouges, les gongs, les timbales, ceux qui rendent hommage, à genoux, debout, inclinés avec ou sans encens, puis les autres.
Ils sont là comme au marché, ils discutent, palabrent, visitent, flirtent et ne semblent guère tenir compte du caractère sacré du lieu.
Il faut dire que nous sommes arrivés à l’époque de la fête nationale chinoise, c’est en effet le 1 er octobre 1949 que Mao Zedong a proclamé du balcon de la Cité interdite l’avènement de la République populaire de Chine.
A cette occasion une semaine de festivités et de congés est décrétée, ce qui explique la quantité de Chinois qui se promènent et visitent les sites historiques, religieux ou simplement touristiques.
A Shanghai, c’était les Jeux olympiques pour handicapés, nous y avons rencontré de nombreuses délégations sportives.
Puis il y avait les préparations du XVII éme congrès du Parti communiste, événement politique qui survient tous les cinq ans et qui s’ouvrait le lundi 14.10.2007 dans une atmosphère de changement, de virage libéral, du moins sur le plan économique.
Bref nous étions en période festive.
C’est à Guilin que nous avons visité la mosquée.
Là, je me sentais plus à l’aise, je ne suis pas un habitué ni des églises, ni des mosquées, ni des synagogues, je m’y rends en général en curieux, recherchant le calme et la sérénité.
Dans cette mosquée, immense jardin, plein de charme et surtout de tranquillité, avec des petits ponts, des fleurs, d’anciennes sculptures, j’ai pu déambuler à mon aise, sans banderoles, pétards, cloches, gongs et tutti quanti, je me retrouvais là où j’aimais être; nous deux, avec mon épouse, main dans la main et profitant du silence.
Seule la salle de prières était réservée aux musulmans.
Qui aurait cru qu’un jour je puisse être à l’aise, heureux de me trouver dans le jardin d’une mosquée.
La vie du Chinois moyen
Bien difficile de savoir comment la population chinoise vit au jour le jour.
D’après ce que nous avons pu comprendre, il y a une grande différence entre le citadin et le paysan.
En ville, beaucoup de femmes travaillent, elles gagnent environ 800 yuan (RMB) par mois, soit environ 80. -€. Les hommes, quand ils ont du travail, gagnent environ 1.000 yuan par mois, soit environ 100. - €.
Le loyer moyen est de 200 à 250 yuan par mois, soit environ 12 % du revenu total du ménage. Nettement moins qu’en Belgique, mais nous n’avons pas pu savoir quelle était la surface d’un appartement moderne en ville actuellement construit à des millions d’exemplaires.
Par contre, un de nos guides nous disait vivre dans une pièce de vingt mètres carrés, cuisine et commodités communes avec d’autres habitants, mais qu‘il espérait recevoir bientôt un appartement moderne. Cela c’est la vie dans les vieux quartiers des villes chinoises.
Devant notre étonnement de voir tant de voitures nouvelles, en bon état, rien à voir avec les guimbardes, les tacots que nous avons rencontrés en Afrique, en Inde ou à Sri Lanka, il nous fut répondu qu’il n’était guère difficile pour un ménage dont les deux conjoints travaillaient, de se porter acquéreur, à crédit, d’une voiture neuve.
Il fallait cependant faire attention, car le sport favori des petits voleurs était de non pas de voler la voiture, mais de voler la plaque d’immatriculation et de laisser sous l’essuie-glace un petit papier avec un numéro de portable. Le propriétaire contacte ce numéro et il lui est demandé de verser 200 yuan à un certain compte en banque pour récupérer la plaque d’immatriculation du véhicule.
Effectivement, quelques jours plus tard, le versement effectué et contrôlé, l’automobiliste reçoit un SMS qui vous dit que la plaque d’immatriculation se trouve derrière la poubelle de votre domicile, par exemple. Racket réussi et... relativement honnête.
Il est utopique d’avoir un avis complet, même une approche valable sur le budget d’un ménage en seulement douze jours de voyage et sans avoir le temps de gagner la confiance d’un guide puisque ceux-ci changent tous les deux jours en moyenne.
Il nous restait donc à regarder autour de nous.
L’enseignement semble bien organisé et l’idéal de chaque jeune Chinois est d’arriver au niveau universitaire.
Nous visitions un temple bouddhiste; un peu à l’écart, je suis interpellé par une jeune fille, vingt ans, et son petit copain. On leur aurait donné seize ans maximum. Ils étaient visiblement très amoureux l’un de l’autre, la fille se faisait photographier dans des poses gracieuses et le jeune homme semblait en béate admiration devant elle.
Elle voulait visiblement tester son anglais qu’elle parlait d’ailleurs assez couramment, elle me dit avoir étudié quatre ans à l’université et que son rêve était d’enseigner la langue anglaise, elle m’a expliqué la différence entre l’écriture à idéogrammes verticaux et horizontaux de droite à gauche.
Tout cela avec l’aide de son copain qui ne parlait pas anglais mais qui suivait des cours d’histoire à l’université.
Un voyageur de notre groupe, infirmier de son état, a eu l’occasion de faire un tour dans un grand hôpital de Shanghai.
En professionnel, il s’est dit peu surpris, l’hôpital était propre même s’il ressemblait à un hôpital bruxellois des années 1970.
Nos guides locaux ne semblaient pas mécontents de l’organisation sanitaire et hospitalière de leur pays.
Nous avons aussi été agréablement surpris de voir le peu de mendicité, nous qui avons connu la nuée de gamins et de gamines dépenaillés des villes indiennes et du Sri Lanka, la main tendue “ no Papa- no Mama”. Rien de tout cela en Chine.
Excepté à Shanghai où il y avait en moyenne seulement deux malheureux adultes, souvent handicapés, à la sortie de l‘autocar, rien de semblable dans les autres villes.
Par contre, une quantité de vendeurs à la sauvette proposant toutes sortes de choses à la pièce, mais surtout des séries de montres Rolex “ Garantie 100 % originelle ” au prix de base de 1.000 yuan, soit 100.- €, “discutable“.
En général, dans les boutiques, quand on dit “ discutable”, cela veut dire qu’on vous laissera après quelques négociations la marchandise au tiers du prix, parfois au quart, mais là, c’est nettement plus difficile. Le tiers du prix semble être la norme générale.
Nous avons assisté à une arrestation d’un quidam, attrapé au revers de sa veste par un policier, sans brutalité mais aussi sans ménagement, il semblait s’intéresser d’un peu trop près aux touristes naïfs qui faisaient la file pour entrer dans la Cité interdite à Pékin.
Une autre fois, un vendeur à la sauvette s’était approché trop près de l’entrée d’un temple, un moine a couru avertir les policiers de faction qui l’ont reconduit, sans brutalité, avec bonne humeur même au-delà de la zone de sécurité.
Assis sur les nombreux bancs de marbre qui jalonnent les rues de Shanghai ( je parle souvent de Shanghai parce que c’est là que nous avons eu le plus de temps libre) ou le Bund, promenade classique le long de la rivière, nous regardions autour de nous tous ces gens qui se promenaient.
Des adultes en famille, correctement habillés, surveillant et choyant leurs enfants, identiques à des ouvriers moyens en Europe.
Des jeunes aussi, les filles en jeans parfois “taille basse”, petite veste, des garçons les serrant de près, relax, en baskets. Tous le GSM/appareil photo en main, devisant, blaguant, riant, flirtant, s’échangeant des petits baisers et nous faisions la remarque: Si ce n’était leur faciès asiatique, cela pourrait être nos petites filles et leurs copains. Aucune différence, cela seulement trente ans après le décès de Mao.
Un jour où nous avions renoncé à une série de volées d’escaliers pour aller voir un quelconque Bouddha, nous prenions quelques minutes de repos assis sur un banc, dans la cour d’un temple en compagnie d’une de nos jolies guides.
Nous l’avons entreprise sur le problème politique, en lui demandant, si elle était autorisée de nous parler des pages moins glorieuses des cinquante dernières années de l’histoire chinoise, comme de la “Campagne antidroitière”, du “ Grand Bond en avant“, de “La Révolution culturelle” ou de “ La Bande des quatre”.
Elle nous a répondu qu’elle était libre de nous parler de tout cela, de ces périodes de grands malheurs pour son pays, si on lui demandait explicitement; nous n’avons pas insisté, elle non plus, elle nous quittait deux heures plus tard.
La démographie
Un milliard deux cent millions d’habitants, peut-être un peu plus, c’est beaucoup !
Dans le but de limiter les naissances, le gouvernement a décrété que chaque couple, sauf exception, était autorisé à mettre au monde un seul enfant.
C’est draconien et les contrevenants sont frappés de très lourdes amendes.
Cela posera deux gros problèmes:
Le vieillissement de la population : dans quelques années il y aura un manque de jeune main-d’œuvre et pléthore de vieillards. Que deviendront ceux-ci sans l’appui d’une jeunesse active et dynamique ?
Le manque de femmes : Le Chinois veut avoir une descendance mâle et la politique actuelle de natalité permet à chaque jeune chinoise enceinte de se faire avorter selon son choix. Il y aurait donc à présent une naissance de fille pour trois naissances de garçons. Cela posera des problèmes à très court terme ( quelques années maximum).
Lorsque l’on pose la question, la réponse des jeunes gens est: On sera obligé d’aller chercher des femmes à l’étranger, au Vietnam, en Thaïlande, au Laos etc.
Cela ne résoudra évidemment pas le problème.
Il y a naturellement déjà des dérives, des naissances non enregistrées, surtout en milieu rural, des enfants sans identité ce qui leur posera des problèmes dès l’âge de la scolarisation et plus tard, sans compter l’impossibilité d’avoir un recensement démocratique valable.
L’Inde se trouve dans la même situation, il y a dans ce pays une forte action pour limiter les naissances avec un certain succès.
L’Inde n’est pas un pays communiste, la persuasion, l’éducation des femmes peut être entreprise; dans un pays communiste, on penche plutôt vers la coercition.
Et puis, mettez-vous à la place d’un jeune couple, qui veut faire droit à sa capacité d’avoir un et un seul enfant.
Quel dilemme, choisir le moment idéal, la bonne santé de l’épouse, celle de l’époux, une situation économique favorable, et surtout la peur de rater son coup.
La dame enceinte est totalement protégée par l’Etat, elle ne travaillera plus, aura accès à tous les soins médicaux, sera mise vraiment à l’abri de tout problème de tout accident.
Et si c’est une fille à la naissance ? Et si l’enfant a un quelconque handicap mineur ?
Impossible de recommencer, on n’a droit qu’à uns seul essai.
L’économie
Le pays est économiquement en pleine expansion, un PIB augmentant annuellement de plus de 10 % et cela depuis plus de 15 ans.
L’inflation générale annuelle est de 2,3 %, mais l’inflation alimentaire est de 6 %.
En 2006 à la même époque, je visitais Cuba, un autre pays communiste, misérable en comparaison de la Chine, stagnant et dont l’avenir est subordonné au décès d’un homme.
En Chine, tout croît en même temps que les buildings.
Il semblerait que ce ne fut pas toujours le cas: Ni Hao, qui est notre “bonjour” en chinois voudrait aussi dire, si j’en crois ce qui me fut dit: “ As-tu mangé aujourd’hui”, preuve que dans un temps historique bien défini, il n’était pas évident de manger tous les jours.
Aujourd’hui, ceux que nous avons vus (et ils étaient nombreux) semblaient bien portant et avoir mangé à leur faim.
Ce développement économique est dû à une main-d’œuvre pléthorique, disponible, techniquement formée et peu onéreuse mais aussi à une approche un peu différente de la nôtre de la notion de “ propriété intellectuelle et technique”.
Les idées, la technicité ont été empruntées à l’Occident, améliorées, adaptées et sont revendues en Occident.
Les puces sont sud-coréennes, les GSM sont chinois mais le brevet de base est Ericsson et sur le marché boursier, un seul des trois, Ericsson, est en difficultés.
Dans un proche immédiat, cet élan pourrait subir quelques faiblesses; limité à ma capacité de synthèse, je les vois au nombre de trois:
- Un régime politique communiste: Autoritaire, centralisé convenant à un pays de 9.600.000 kilomètres carrés, (plus de 300 fois la Belgique) et de un milliard deux cent millions d’habitants comprenant 55 minorités.
Petit à petit, lentement mais sûrement, il se libéralise économiquement mais aussi politiquement.
Il semblerait que dans son discours au XVII éme congrès du Parti communiste chinois, Hu Jintao, le secrétaire du parti, ait prononcé soixante fois le mot “démocratie”.
Mais il y a encore beaucoup à faire et avec 55 minorités... pensez notre petite Belgique, avec seulement deux minorités, non encore reconnues en plus, nous avons trois communautés, trois régions et un très grand bordel !
Alors, avec 55 minorités... bon courage.
Il est évident que plus de démocratie entraînera, comme en Russie, des mouvements centrifuges qui seront bien difficiles à maitriser.
Quoi qu’il en soit, les capitaux étrangers sont les bienvenus et les entreprises étrangères se développent en partenariat avec l’Etat chinois, 51 % du capital aux Chinois et 49 % aux étrangers.
La Chine désire garder la haute main sur son économie et sur les bénéfices qu’elle génère.
- Une paysannerie encore sous-développée: L’effort a porté sur les villes dont la population est minoritaire par rapport à la population du pays.
Si Mao s’appuyait sur la paysannerie, peu de choses depuis sa mort, survenue en 1976, ont encore été faites pour améliorer le milieu rural et c’est là qu’a tendance à se développer une certaine opposition ou du moins un certain malaise.
Jusqu’il y a peu le paysan était métayer et devait céder sa récolte au parti qui lui restituait juste de quoi vivre.
Ce système entraînait énormément de fraudes, on peut le comprendre.
Depuis peu, il y a contrat entre l’exploitant agricole et l’Etat qui lui cède la terre pour une période de cinquante ans moyennant une location égale à 15 % de la récolte.
C’est une très sérieuse amélioration, libéralisant les 85 % restants de la récolte, qui peuvent être consommés par la famille de l’agriculteur et le reste vendu sur le marché via des coopératives ou des entrepreneurs, intermédiaires entre le producteur rural et le consommateur citadin.
Mais il y a encore beaucoup à faire en ce qui concerne les infrastructures en milieu agricole et la protection sociale de l’agriculteur.
- Les Jeux olympiques: Ils ont propulsé l’essor, l’économie du pays. On a construit des routes, des chemins de fer, des stades, des milliers de chambres d’hôtel qui, nous a-t-on dit, se louaient 700.- € la nuit petit déjeuner compris (on pouvait bien à ce prix là) durant les Jeux olympiques.
On attend 17.200 athlètes, plus les managers, les soigneurs, les médias et tous les autres, soit environ 100.000 personnes à loger et à nourrir durant la période des jeux.
Et après... comment rentabiliser tous ces hôtels de luxe qui verront leur clientèle fondre comme beurre au soleil, qui se retrouveront avec une occupation des chambres de l’ordre de 15 ou 20 % seulement.
Il faudra du temps, trois, cinq ans ? Qui peut le savoir ? Avant de retrouver une vitesse de croisière dans ce secteur.
En attendant, on nous dit que le budget des jeux est déjà le double que ce qui était prévu.
La Chine est riche, pleine de dollars américains et de combien de dettes rédigées en “ dollars du subprime ? Mais la richesse doit travailler pour continuer à croître.
Mais vous verrez, après un moment d’hésitation, ils retomberont sur leurs pieds et nous étonneront encore.
L’avenir
Je n’ai trouvé à mettre en tête du présent texte que la citation de Napoléon, j’en étais presque gêné, d’autant plus que cette citation a été reprise comme titre d’un livre par Alain Peyrefitte ( chez Fayard en 1973).
Mais vraiment, je n’ai pas trouvé mieux.
Napoléon, homme d’Etat et avant tout Général, voyait trembler le monde comme chaque Européen vivant au début du XIX éme siècle quand empires et royaumes européens s’étripaient joyeusement; il voyait cela en militaire.
La Chine s’éveille, je ne doute pas qu’il n’y ait quelques secousses dans l’avenir, quelques missiles intercontinentaux ou armes nucléaires brandies; en termes militaires on parle de “ to show the flag“.
Mais les secousses seront plus probablement économiques et culturelles.
Nous avons traversé la partie maritime de ce grand pays au pas de charge.
Demander un avis, une prospective, ce serait comme mettre quelqu’un dans un TGV à Moscou, lui faire traverser l’Europe à 320 kilomètres à l’heure et lui demander son avis à l’arrivée à Lisbonne.
Il serait donc bien présomptueux de ma part d’émettre un quelconque avis justifié sur l’avenir du pays.
Fin juillet, j’ai terminé la lecture d’un livre de Jacques Attali “Une brève histoire de l’avenir” chez Fayard en 2006.
Je ne voudrais pas m’étendre sur ce livre sous peine d’être accusé de plagiat, mais je conseille vivement sa lecture très, toujours chez Attali, intéressante.
Au fait l’auteur nous fait l’histoire du capitalisme depuis le XII éme siècle et définit les conditions qui ont fait que le “cœur du capitalisme” s’installe autour d’une ville.
Pour Jacques Attali ces conditions sont au nombre de 4:
1.- Un port avec des capacités d’extensions industrielles.
2.- Un hinterland agricole riche et pacifié. Accueillant aux développements des nouveautés industrielles ou agricoles.
3.- Une organisation financière structurée et un grand dynamisme commercial.
4.- Un état d’esprit tolérant, non xénophobe, accueillant aux nouveautés techniques et culturelles.
Jacques Attali cite ces différents “cœurs du capitalisme” durant les 800 dernières années: Bruges, puis Venise, puis Anvers, puis Gènes, puis Amsterdam, puis Londres, puis Boston, puis New York et actuellement Los Angeles.
Quel sera le prochain “ cœur “?
Personnellement je pense qu’un grand bond vers l’ouest amènera le centre capitaliste de Los Angeles à Shanghai.
Cette ville a tous les atouts ou presque:
Shanghai sur la rivière Huangpu, affluent du Yangtze (fleuve bleu) à seulement 80 kilomètres de la mer, est le second port du monde en ce qui concerne le tonnage de fret manipulé, après Singapour et avant Rotterdam.
Shanghai a un dynamisme commercial qui n’est plus à prouver.
Shanghai a un hinterland agricole au sol riche, fertile, bien arrosé et accueillant déjà aujourd’hui quantité d’entreprises techniques d’avant-garde.
Il ne reste que l’amélioration de la liberté de pensée, l’ouverture d’esprit vers d’autres philosophies, vers d’autres options économiques. Cela est en cours, avance à grands pas mais n’est pas sans dangers. Cela pourrait se concrétiser dans les prochaines décennies.
Nous ne le verrons pas, nos enfants en seront témoins, mais nos petits enfants en seront acteurs. Ils devront en tenir compte dans leur vie de tous les jours, comme nous, aujourd’hui, devons tenir compte de la position de Los Angeles.
Conclusion
Si je devais résumer mon incursion en Chine, l’impression que j’ai eue du pays, un seul mot me viendrait à la bouche : ETONNANT.
E.A.Christiane
Anderlecht, le 21.10.2007
Du 29.09 au 12.10.2007