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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 08:32

 

 

Agrocarburant et économie rurale

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          Que de polémiques concernant l’éventuel remplacement partiel de l’énergie fossile par une énergie de meilleure alois !

          Déjà, il y a soixante ans, souvenez-vous du tollé généré par l’idée que l’on pourrait abîmer notre belle nature par la construction d’affreux barrages hydroélectriques tout en bêton.

          Puis ce fut le nucléaire et le spectre de la mort; même les éoliennes ont été critiquées parce qu’elles risquaient de perturber le flux migratoire des oiseaux, voire l’humeur des chats de la fermière voisine.

          Maintenant, on attaque de plus en plus les agro carburants qui généreraient une désertification de vastes territoires et la famine parmi certaines populations préférant consacrer leur énergie à la culture industrielle aux détriments des cultures vivrières.

          C’est à se demander si nous ne voulons pas systématiquement éviter, non pas de nous séparer, mais ne serai-ce que nous distancier légèrement de cet énorme lobby de l’énergie fossile, des Sociétés pétrolières et de leurs fournisseurs.

 

          A un moment de ma carrière en Afrique, je me suis trouvé devant un dilemme et ai dû envisager de trouver une solution à un problème à première vue, mais à première vue seulement insoluble.

          Et comprenez bien que, en toute modestie, si je vous en parle c’est que nous avions trouvé une solution.

 

          En novembre 1978, je venais d’être muté dans une plantation du Territoire de Budjala dans l’Ubangui, une plantation de 4.850 hectares d’hévéas en pleine production, un programme d’extensions avec obligation impérative de la part de mon employeur de faire de la production exportable.

          Lisez: payable en devises.

 

          Cette plantation avait été créée après la seconde guerre mondiale par une équipe d’ingénieurs agronomes qualifiés dont mon beau père faisait partie.

          Elle avait toujours été bien tenue, bien soignée, bien gérée par des techniciens qui connaissaient leur métier et dont certains venaient des Terres Rouges du Vietnam.

          C’est là que j’avais commencé ma carrière en 1955, j’y était resté jusqu’à mon mariage en 1958 puis, vingt ans plus tard, y avait été réaffecté en tant que Directeur-responsable.

 

 

Marasme économique de la petite agriculture locale

 

 

          Cinq ans après les mesures de zaïrianisation du Président Mobutu, la situation économique et spécialement l’économie agricole était au plus mal.

          L’huile de palme, par exemple qui était exportée en grande quantité ne sortait plus du pays, et la production locale suffisait à peine à couvrir les besoins de la population autochtone.

          Il s’avérait donc plus que nécessaire de générer des devises à l’exportation en augmentant la production de ce qui pouvait être exportable, le caoutchouc, le café, le cacao et le thé, par exemple.

          Nous produisions journellement 15 tonnes de caoutchouc d’excellente qualité demandé et très bien coté par les industriels du pneumatique les plus exigeants du marché mondial.

          Cela tournait, bien organisé: 3.000 travailleurs, agents de maitrise et cadres congolais et deux expatriés.

          J'étais directeur et avais à mes côtés un technicien originaire de la région de Charleroi, un homme d’expérience, très qualifié, il s’appelait Jean-Baptiste D.

          Cela marchait très bien.

 

 

          Mais, dans cette plantation, il y avait aussi une nouvelle usine à cacao, construite dans les années 1958 et jamais l’installation de la plantation n’avait suivi suite aux évènements et à l’instabilité politique des années 1960 et plus tard.

          L’idée initiale était de faire du cacao sous hévéas sur plusieurs milliers d’hectares (2.000 je pense), seuls 175 hectares avaient été plantés et produisaient bon an mal an une trentaine, voire une quarantaine de tonnes de cacao par an.

          Cette usine à cacao était nettement sous employée.

          Elle était cependant impeccable, des batteries de cuves de fermentation, deux gros Gordon drier de 5 tonnes chacun (séchoirs horizontaux), animés par deux moteurs Lister Diesel 6 cylindres (FR6), un trieur hollandais deVries et les cribles adéquats.

          Elle avait très peu servi et se trouvait là, en quasi stand by.

 

          Du café, cela n’est guère difficile à usiner, s’il arrive dépulpé, humide, à moitié sec ou sec, c’est très facile à traiter, un séchage complémentaire adéquat, un calibrage suivi d’un triage rigoureux et vous obtenez du robusta de très bonne qualité..

           Pour le cacao c’est un peu plus compliqué, le magma, extrait de la cabosse, mélange de fèves et de mucilage sucré, doit être mis en fermentation par cuves de 1,5 m3, la fermentation doit débuter par l’intermédiaire de saccharomycès (spores blanchâtres que l’on trouve entre autre sur les feuilles de bananiers), parfois, en début de saison la fermentation doit être amorcée par l’ajout de quelques kilos de sucre .

          Cette fermentation est d’abord alcoolique, elle doit faire monter rapidement la température à plus de 43°C pour tuer l’ embryon de la fève et éviter qu’elle ne germe, puis la masse en fermentation doit être aérée tous les jours pour évacuer le CO2.

          La fermentation alcoolique dure environ trois jours, puis elle devient acétique et doit être surveillée heure par heure afin de l’arrêter dès qu’elle risque de devenir butyrique.

          La fève est alors gorgée de liquide mauve-violet, bien dodue et prête à être séchée.

          C’est une technique que je connaissais parfaitement ayant déjà fait dans ma vie plusieurs milliers de tonnes de cacao de toute première qualité.

 

 

Du problème..

 

 

          Dans les environs de notre plantation il y avait des dizaines de fermiers congolais avec de modestes plantations de café et de cacao et ils se lamentaient parce que personne n’était plus là pour les conseiller et leur acheter leur production.

          Ils avaient soit créé leur petite plantation, soit avaient profité du décret Mobutu sur la zaïrinisation et n’étaient absolument plus encadrés ni techniquement ni commercialement.

          Ils voyaient dans un très proche avenir que la production de l’année allait se détériorer, allait pourrir sur pied faute de directives et de commerçants fiables pour acheter le produit.

          Tous les jours j’avais la visite de ces malheureux qui venaient à mon bureau me demandant de les aider, d‘essayer de trouver une solution à leurs problèmes.

          Pauvres gens, on pouvait les comprendre !

 

 

          En y réfléchissant, la situation n‘était pas sans issue: nous avions la technicité, nous avions le matériel, nous avions (certainement) l’accord de mes chefs de Kinshasa et de Londres, le seul problème était de trouver du carburant pour mettre tout cela en musique (pour faire tourner les séchoirs).

          Je savais que durant la seconde guerre mondiale, les Japonais, en Extrême-Orient avaient fait fonctionner des usines à caoutchouc avec de l’huile de palme comme carburant.. mais impossible de trouver de la documentation.

          J’avais aussi lu quelque part que la capacité thermique, énergétique de l’huile de palme était égale à 80 % de la capacité du mazout, mais avais aussi constaté que l’huile de palme était liquide à partir de 28°C; sous cette température, elle est figée, elle est graisseuse.

          Il était donc nécessaire de ne pas arrêter un moteur alimenté à l’huile de palme sinon tout le système d’injection (tuyauteries, pompe d’injection, injecteurs etc.) auraient été colmatés et auraient dû être totalement démontés et nettoyés.

 

          Une petite expérience au laboratoire de l’usine à caoutchouc m’a démontré que la viscosité, la fluidité de l’huile de palme était, à la température de 70 ° C environ identique à celle du mazout.

         

          Restait à avoir de l’huile de bonne qualité.

 

          Nous ne faisons pas d’huile, mais la plantation de Binga à 80 Km faisait de l’huile parfois à moins de 2 % de FFA ( AGl ou Acide gras libre).

          Il fallait éviter que l’acidité de l’huile n’attaque trop rapidement les injecteurs des moteurs.

          Bref, je me procure 10 futs d’huile de palme de la meilleure qualité possible puis je pose le problème à Jean-Baptiste en ce sens...

 

 

1.- Nous avons de l’huile de palme de bonne qualité

2.- Il faut la chauffer à 70°C sans consommer de carburant

3.- Il faudrait l’injecter dans le circuit mazout des lister par un système quelconque tout en coupant l’arrivée du mazout.

4.- Il faudrait en tous cas, arrêter les moteurs après avoir purgé totalement le circuit d’injection de toute huile de palme pour éviter un colmatage.

 

 

Penses-y nous en reparlerons.

 

 

A la solution

 

 

          Nous avons construit un réservoir en tôle d’environ 80 à 100 litres que nous avons placé au dessus des moteurs Lister (cela permettait un approvisionnement par gravité).

          Nous avons placé au fond de ce réservoir un serpentin s’échappant à l’air libre et branché, à l’admission, sur l’échappement des moteurs diesels, avec une vanne de réglage.

          De cette manière une partie (réglable) des calories issues du tuyau d’échappement des moteurs passait au travers de l’huile de palme et la chauffait jusqu’à température désirée et en plus gratuitement.

          Du réservoir, un petit tuyau amenait l’huile chaude vers le tuyau d’admission de mazout en amont du moteur.

          Nous y avions placé une vanne bidirectionnelle qui permettait soit d’alimenter le moteur en mazout soit en huile de palme.

 

 

Le jour J.

 

 

          Et un beau matin, nous avons chargé un séchoir Gordon avec 5 tonnes de café humide, nous avons mis le moteur en route avec le mazout, avons ouvert l’accès du gaz d’échappement vers le serpentin afin de réchauffer l’huile.

          Et lorsque après environ 30 minutes, l’huile fut à 70 ° C , nous avons croisé les doigts et avons actionné la vanne bidirectionnelle coupant le mazout et acceptant l’huile de palme dans la pompe d’injection.

          Le moteur tournait à 1500 tours/minutes; étant donné la capacité calorifique de l’huile, nous l’avons dit à seulement 80% de celle du mazout, je m’attendais à ce que le moteur perde de sa vitesse qui aurait du se stabiliser aux environ de 1200 tours/minutes.

          Cela n’était pas grave, nous aurions pu nous en contenter et jouer sur le régulateur de vitesse du Diesel.

          Un instant d’émotion ... et rien ne s’est passé, le moteur diesel à continué son petit bonhomme de chemin, aucune hésitation, aucune fumée suspecte à l’échappement, aucune vibration, tout est resté normal et nous ne l’avons pas arrêté durant 3 mois sauf pour faire la vidange du carter.

          Toutes les 500 heures (soit trois semaines) nous coupions l’arrivée de l’huile, nous laissions fonctionner le moteur au mazout durant une demi-heure afin de nettoyer les tuyauteries, nous faisons une vidange et nous remettions en marche.

 

 

C’était quasi de l’allégresse

 

 

          Immédiatement, la réussite de notre expérience s’est répandue dans la région et les réactions furent rapides, ce fut une grande liesse parmi les petits producteurs (le mot n’es pas trop grand) joie parmi nos amis paysans congolais qui ont commencé a amener des camionnettes, et des camions de produits, café, ou cacao à divers stade de séchage ou de fermentation.

          A Kinshasa, au sein de ma Société ce aussi un grand contentement d‘autant plus que nous n‘avions pas prévenu de nos intentions; j’ai reçu des ballots de sacs de jute, du fil a coudre les sacs (nous avions trouvé une machine à coudre les sacs de marque allemande Fischbein que nous avions remise en état) et aussi quantité de Zaïre/monnaie pour acheter ce qui nous était livré par les villageois.

          Mais ce qui intéressait surtout nos agriculteurs/transporteurs/hommes d’affaires des environs, ce n’était pas tellement de l’argent mais des textiles, des pièces de tissus, Utexco, Utexafrica et autres et nous verrons bientôt pourquoi.

          Il faut dire que j’ai obtenu quasiment tout ce que je voulais de la part de l’Administration centrale de la Société qui m’employait, un simple message télégraphique et la marchandise désirée m’était livrée trois semaines plus tard par le premier bateau.

          J’étais devenu l’enfant gâté mais aussi l’objet de quelques jalousies bien mal placées.

 

          Nous avons fait de cette manière plusieurs centaines de tonnes de cacao et de café entre décembre 1978 et mars 1979, le tout, naturellement, destiné à l’exportation.

          C’était, pour nous du travail intéressant car varié et sortant de l‘ordinaire: Jean-Baptiste surveillait ses machines et nos astuces et je négociais l’achat de la marchandise entrante, m’occupait de finaliser éventuellement la fermentation du cacao, d’estimer les temps de séchage par lots de la marchandise brute qui nous était livrée et qui nous arrivait à des degrés divers de fermentation (dans le cas du cacao) et d’humidité.

          C’était distrayant et surtout stimulant, il est vrai que nous étions encore jeunes.

 

 

Les voies du commerce sont impénétrables

 

 

          Généralement, les fermiers demandaient à être payés en argent liquide au niveau de 20 à 25 % de ce que je leur devais; le reste ils préféraient que je leur fournissent des textiles, pièces de tissus, pagnes, cotonnade, etc..

          Il faut vous dire qu’à cette époque, le textile zaïrois avait très bonne presse, non seulement dans le pays mais dans les pays avoisinant.

          De très bonne qualité, les dessins étaient modernes, les couleurs bien fixées et il n’y avait encore quasi aucune concurrence de la part des pays de l’Afrique de l’Ouest.

 

          Qui n’est pas curieux ne sait rien, je me suis renseigné sur la finalité de ce commerce.

 

          Les agriculteurs qui, possédant un camion (et ils étaient nombreux), chargeaient des ballots de tissus, complétaient leur chargement par quelques fûts d’huile de palme et acheminaient le tout à Bangui, capitale de la République Centre Africaine à seulement 400 kilomètres de piste de notre plantation.

          Comment se débrouillaient-ils pour passer l’Ubangui qui sert de frontière entre les deux pays... cela je préfère ne pas le savoir, ... la débrouille africaine.

          Ils revendaient leur marchandise à Bangui contre du bon argent CFA garanti par la France et ne subissant pas de dévaluation chronique... ou si peu.

          Cet argent n’avait pas cours du côté zaïrois, mais il était dans toutes les poches de ces Messieurs commerçants.

         

          A Bangui, ils se réapprovisionnaient en pièces de rechanges pour véhicules, carburant, batteries, pneus, amortisseurs, éventuellement l’achat d’un nouveau véhicule, quelques petites gâteries pour ces dames tels que bijoux et autres fanfreluches venant de Paris.

          Le surplus financier était ramené à la maison et servait de réserve monétaire solide dont la valeur ne cessait, au fil des semaines d’augmenter.

          Parfois, mon épouse demandait à l’un d’entre eux de nous acheter dans un supermarché français soit du vin de qualité soit quelques boites de foie gras... il ne faut se priver de rien.

 

 

          Finalement, cette production agricole générait deux fois des devises.

          Une première fois à l’exportation par la voie la plus normale en passant la douane à Matadi, et la seconde fois par une voie astucieuse connue de nos amis agriculteurs zaïrois qui revendaient la contrevaleur de leur production en devises fortes.

 

          Les voies de l’économie, comme les voies du seigneurs sont parfois bien impénétrables !

 

 

Un sentiment de satisfaction

 

 

          Ce sont des petites satisfactions de la vie coloniale; nous avons apporté notre brique au pays qui nous accueillait, nous avons sauvé la saison de récolte des paysans d’un demi territoire qui étaient enchantés.

 

          Les esprits chagrins pourraient certainement penser que le grand bénéficiaire ce fut la société qui m’employait... peut-être, mais que de joie dans le Territoire de Budjala cette année là.

 

 

          Cela se passait en 1978 , il y a 32 ans déjà

 

 

                                                                                                       E.A.Christiane

 

                                                                                         Anderlecht, le 08 mars 2011

.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 08:40

 

 

 

Les fourmis de la colonie

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            Il y a quelques semaines, au cours d’une réunion, un participant en verve à fait le panégyrique des trois piliers qui, à ses yeux, ont supporté le poids du Congo Belge en temps que colonie, l’Administration territoriale, l’enseignement catholique et l’organisation médicale.

           Il n’avait pas tort, ceux qui faisaient partie, qui constituaient ces trois “piliers” ont travaillé durement, dans des conditions parfois précaires, dans un confort souvent moins que relatif, avec un dévouement, des initiatives, un dynamisme qui leur donne droit à toute notre admiration.

            Parfois avec femme et enfants, faire vingt jours de brousse par mois, de gîtes d’étape en gîtes d’étape, isolés, loin de tout, ces membres de l’Administration coloniale, surtout durant leurs premiers termes ont donné plus que ce qui était humainement possible de donner.

           

            Et ce Monsieur, dans un élan lyrique de dire : “Lorsque l’on soulève une branche de palmier, une feuille de bananier, qu’y trouve-t-on ? On y trouve ...”

            Et là très grossièrement, je l’ai interrompu, en disant bien haut pour être entendu de tous “ On y trouve un agronome !!”.

 

 

            J’avais coupé les effets de cet homme enthousiaste, qui voulait mettre en exergue les agents territoriaux, les enseignants et les médecins de brousse.

           Mon idée n’était certainement pas de donner la part belle spécialement aux agronomes, étant moi-même agronome, mais rappeler aux participants qu’il n’y avait pas que les grands corps constitués, tels le service territoriale, les missions catholiques ou le service médical qui avait apporté leur brique à la construction de la Colonie.

            Il y avait aussi les sans grades, les sans noms, des discrets, cette multitude d’isolés qui ne sont pas intervenus ni dans l’administration, ni dans l’enseignement ni dans les soins médicaux mais qui ont crée, qui ont participé à l’élaboration de l’économie de la Colonie au niveau le plus bas, sur le terrain, à proximité des villages, des congolais de la brousse.

            Ces glèbeux, pour reprendre un terme de la bible (Genèse 1.27) sont hélas trop souvent oubliés et cependant ils ne constituaient peut être pas la colonne vertébrale de la Colonie, mais le tissus parenchymateux de ce vaste hinterland.

            Ce sont eux qui étaient sur le terrain, seuls, courageux essayant de survivre mais constituant le lien direct entre les villageois, les paysans africains et l’esprit d’entreprise européen.

            Agents territoriaux, révérends pères des missions catholiques, médecins de la Colonie, agents des grosses sociétés agricoles, financières, de transport ou minières, n’étaient pas isolés, ils faisaient partie d’un système, étaient sous contrat, protégés, formaient un clan au sein duquel ils pouvaient, abstraction faites des jalousies ou des ambitions, trouver aide et réconfort.

 

 

 

 

             

                                                                                               O vous tous qui avez soif,

                                                                                                venez aux eaux.

 

 

                                                                                                                                       Isaïe 55-1

 

            C’est le petit commerçant portugais qui avait construit sa boutique le long d’une route au milieu de nulle part.

Il y sentait le pétrole et le poisson séché et on pouvait y trouver de tout ce qui pouvait ressembler à un début de civilisation occidentale, casserole, sel, wax, calicot, lampe tempête, bouton, fil à coudre, fil à cheveux, machette, chemise et quantité d’autres choses.

            Il vivait dans son magasin et nous voyageurs assoiffés, couverts de poussière de latérite, par 40° C à l’ombre après avoir parcouru 150 kilomètres en pick-up, nous y trouvions un endroit où il était bon de s’arrêter pour y boire une bouteille de bière ou de limonade tiède.

            Vraiment rien de spécial, une Primus tiède, mais quand on a soif...

            Et puis un brin de causette, souvent en lingala car ce Portugais ne connaissais pas nécessairement a langue française, mais enfin, c’était peut-être pour lui la seule possibilité qu’il aurait de la journée de rencontrer un européen.

             Il était, cette boutique était, le “centre commercial” du village avoisinant, c’était là que le villageois pouvait vendre quelques kilos de noix palmistes, un peu de fibres, du rauwolfia et recevoir en échange un peu de nos paillettes de civilisation.

 

 

 

            C’est le prospecteur géomètre qui bien sûr travaille pour une entreprise ou pour le gouvernement, mais qui est seul, sous tente dans la savane, quinze jours durant sans contact autres qu’avec la poignée de travailleurs africains qui le seconde.

            Je les ai côtoyés en 1970, je crois, trois expatriés, six porteurs de théodolites et trois jeeps qui ont cherché de sept heures du matin à six heures du soir, durant deux mois, un moyen de faire sortir une hypothétique ligne de chemin de fer de la cuvette du Kasaï à Port Francqui.

            Ils cherchaient une petite rivière, un semblant de ruisseau, une faille par laquelle le chemin de fer à l’étude aurait pu sortir des rives de cfette tumultueuse rivière pour atteindre le plateau et être prolongé jusqu’à Kinshasa.

            Nous avions hébergés cette légère équipe de Français dans une plantation à 40 kilomètres d’Ilebo.

Ils avaient un travail dur, harassant, Le soir, ils revenais mordus, piqués, affamés, assoiffés, égratignés, ils s’écroulaient sur leur lit de camps et le lendemain matin, ils étaient de nouveau au travail à arpenter les rives du Kasaï.

 

 

            C’est l’homme courageux qui a investi toutes ses économies dans l’achat d’un camion Mercédès en Rhodésie et qui se lance sur les pistes de l’est du Congo et de l’Uélé, en toutes saisons, ruisselant de transpiration sous sa croute de poussière ou luttant pour éviter de s’embourber lorsqu’il pleut.

            Précautionneux avec son seul capital, son véhicule, qui est à la fois sa maison et son bureau, à la recherche de fret chez le petit colon, inquiet du coût de la tonne kilométrique, paniqué à l’idée d’une panne grave qui l’immobiliserait de nombreux jours sur le bord de la route alors qu’il a un contrat de livraison de la marchandise vers le port lacustre ou fluvial le plus proche mais peut être encore distant de trois cents ou quatre cents kilomètres.

            La hantise d’un accident, d’une mauvaise rencontre sur la route ou d’une crise de malaria qui lui serait souvent d’un grand préjudice.

             Il est seul avec ses pensées, ses espoirs et ses tracas.

            Parfois il peut loger, se restaurer prendre un peu de repos et une bonne douche dans une plantation, chez un colon qui est aussi un de ses clients, mais il ne compte plus les nuits qu’il a passé dans la cabine de son véhicule.

 

 

            C’est le cordonnier indien qui a fuit la misère de son village et d’étape en étape a atteint une ville où il est le seul de ses concitoyens et de ses coreligionnaires, il vient ouvrir une boutique, essaye d’avoir une clientèle, se met au travail pour vivre et faire vivre sa famille.

            Seul, sans protection, sans amis, comment trouver la nourriture à laquelle il est habitué, comment accepter que l’on éduque ses enfants dans une école confessionnelle qui n’est pas de sa religion, comment trouver une compagne pour ses fils, un époux pour ses filles dans sa coutume, au sein de sa caste.

            Ces gens courageux avaient problèmes dont nous, qui avons eu la chance de ne pas connaître avons parfois difficile à comprendre.

 

 

 

            C’est la famille de missionnaires non catholiques romains, réformistes, baptistes ou autres qui est venue s’installer en bordure de foret, à la limite de la savane.

             Elle vient pour évangéliser les populations avoisinantes, pleine d’espoir et de foi, elle vit sur le pays, elle vit de son potager, des fruits et des produits du pays et elle est là avec femme et enfants.

            Ici, je voudrais rendre hommage au Révérend, feu Herbert Ernest Gring, un américain qui s’est installé avant la seconde guerre mondiale à Kolékima à la limite des Territoires de Port-Francqui et de Oshwe avec toute sa famille. Un saint -homme.

            Lorsque, voyageur, vous vous arrêtiez dans une de ces petites missions évangélistes, vous étiez toujours très bien, mais simplement reçus.

            Pas de bière, mais un verre d’eau fraiche avec le jus d’une agrume du jardin et encore parfois, une tranche de papaye avec un filet de citron.

            Pauvres, mais généreux.

            Ils étaient aussi très isolés, financés par leur congrégation, ils ne faisaient aucunes dépenses personnelles mais se consacraient à la population locale dans un esprit évangélique.

 

 

            Ce sont des jeunes gens, fils de fermiers wallons ou flamands qui avaient obtenus en concession une colline souvent peuplée de serpents et qui se lançaient, avec bien peu de moyens dans un colonat plein de risques.

            Vivant dans une maison en pisé, pour commencer, ils avaient dégagés un espace pour faire une pépinière et consacraient leur énergie avec un strict minimum de main d’œuvre à défricher ce qui allait être leur plantation.

            Isolés, ils vivaient sur le pays, bananes plantains, patates douces, manioc, légumes locaux, poissons de la rivière, parfois de la viande de chasse ou un poulet étriqué quand c’était possible.

            Leur isolement était souvent atténué par la présence d’une compagne dévouées et bien nécessaire pour les seconder en attendant, après cinq ou six ans, une première récolte qui leur permettrait d’un peu mieux vivre et de surtout de commencer à rembourser les emprunts qu’ils avaient contractés auprès des banques.

 

 

            Ce sont ces pêcheurs ostendais qui partaient en atlantique sud pour plusieurs mois dans le cadre de l’approvisionnement de la capitale Kinshasa en poisson de mer.

             Dur métier que celui de la mer, loin de la famille dans le froid et la promiscuité mais aussi dans un isolement culturel, social et linguistique, seuls devant leurs responsabilités et qui décomptaient les jours avant de rentrer au pays.

 

 

 

             Ce sont ces gens du Nord, ces Danois, ces Norvégiens, ces Suédois, ces Russes qui sont venus tout au début de la colonie pour naviguer sur le fleuve ou sur les rivières à peine découvertes.

             Ils ont abandonné leurs familles, leurs espérances ils ont laissé leur pays, fuis les troubles politiques, espérant une meilleure vie sur un bateau du fleuve.

             Eux aussi étaient seuls de leur culture, ils ont ouvert les voies de ce qui allait être la navigation fluviale, dévorés par les moustiques, sujets aux maladies car bien peu adaptés aux conditions de travail sous l’équateur.

 

           Ce sont ces juifs, fuyant ou miraculeusement échappés à la terreur nazie, qui ont quitté leurs îles méditerranéennes pour rejoindre un petit cousin ou un oncle déjà installé au Shaba ou ailleurs.

             Ils ont dû s’habituer, souvent exploités, on leur a confié les magasins les moins rentables, les plus éloignés, seuls responsables devant leurs parents qui ne leur faisaient guère de cadeaux, qui ne leur pardonnaient vraiment peu de choses.

             Ils ont tenu, ils se sont accrochés et certains d’entre eux ont crée des vrais empires commerciaux.

            Eux aussi ont soufferts dans un certain isolement et leurs souffrances ont contribué au développement de la Colonie.

 

             C’est l’agent sanitaire, perdu dans un dispensaire de brousse et qui voit mourir un enfant ou une femme en couche parce qu’il n’a pas la technicité nécessaire pour sauver leurs vies ou le médicament adéquat pour les guérir à moins que ces malheureux ne soient arrivés trop tard à son dispensaire après avoir vainement essayé de se faire soigner par un tradi-praticien qui, s’il connait les plantes qui guérissent ne maitrise pas nécessairement le dosage qui convient à chaque malade.

              A qui peut-il demander conseil, le médecin de Territoire se trouve peut-être à 100 ou 120 kilomètres du village dans lequel il séjourne.

              Il doit se contenter, les larmes aux yeux d’assister à l’agonie de quelqu’un dont moralement il avait la charge de le garder en vie.

 

 

            C’est le commerçant grec ou pakistanais à bord de son petit bateau, qui de village en village va vendre sa marchandise, petits articles de traite ou caisses de bières, il est seul à gérer son stock, à veiller à sa sécurité, à naviguer de jour et à veiller de nuit dans l’espoir de rentrer à Kisangani ou à Léopoldville sans avaries, sans pertes financières, sans accident, de recharger et de repartir sur le fleuve pour un autre voyage.

 

 

            Tous ces exemples sont ceux de femmes et d’hommes courageux, qui étaient isolés professionnellement, qui ont pris des risques, qui voulaient, si pas faire fortune du moins essayer de survivre, ils étaient isolés, solitaires devant des décisions à prendre, des problèmes à régler, sans amis à qui se confier, sans personne chez qui prendre conseils.

Ils font partie des minorités, ne sont pas nécessairement originaire de l’Europe de l’Ouest, ils sont Russes, Nordiques, Américains, Grecs, Asiatiques ou d’autres part; ils sont loin de leur culture, de leur religion, pas catholiques romains, mais réformistes, shintoïstes, hindouistes ou athées, philosophiquement ils sont religieux, laïques, francs-maçons, libres penseurs ou penseurs libres, un seul lien commun... ils sont seuls ou quasi-seuls.

            Et cependant, ils ont fait leur travail, les fondations, les piliers de la Colonie dont nous parlions plus haut, l’Administration, l’Enseignement, le Service médical auquel nous pouvons ajouter le capital agro-industriel, financiers ou des industries d’extraction, ces fondations disais-je s’asseyaient sur un sol stable, sur cette multitude de sans-grades, d’oubliés, ces téméraires, seuls ou constitués en Petites et Moyennes entreprises qui ont été la base, le fond de l‘économie de notre colonie..

 

 

             De ceux là, on ne parle guère dans les livres d’histoire, ils n’ont jamais leurs noms gravés sur un monument, ils n’ont pas droit à une rubrique ou à une médaille ou autre distinction honorifique.

             Mais ils ont droit de notre part à bien plus que cela, ils ont droit à NOTRE RESPECT.

 

 

 

                                                                                                                                           E.A.Christiane

                                                                                                                                Anderlecht le 30.11.2010

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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28 mars 2010 7 28 /03 /mars /2010 17:00

Afrique noire au féminin

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                                                                                  Nous nous retrouverons

                                                                                  Au pied du petit village

                                                                                  Baigné par une plage lumineuse.

 

                                                                                                    Elolongue Epanya

 


                 Quel plaisir de regarder un magnifique florilège sur l’Afrique.

                 Plein de souvenirs, de nostalgie peut-être aussi quoique tellement peu connue et qui cache tant et tant de symboles qui ne peuvent être compris que par ceux qui ont eut la chance d’y vivre longtemps.

                  Compris ? je ne sais pas, ou simplement croire que l’on a compris, espérer que chez certains d’entre nous, un peu de nos fibres profondes ont pu être excitées, énervées, réveillées d’un sommeil qui nous a plongé dans un univers qui n’était pas le nôtre, pour lequel nous n’avons pas été programmé, un univers entre vu, fugace que nous pensons avoir découvert alors que nous n’en avons aperçu que quelques brefs paysages.

                    Cela nous a quand même profondément imprégné mais nous sommes loin, très loin de l’avoir compris, c’est seulement à l’hiver de notre existence, lorsque nous n’avons plus à nous impliquer dans des tâches quotidiennes, obligatoires, imposées par le fait même de faire partie d’un système qui nous les impose que nous pouvons plus sereinement réfléchir, nous souvenir, nous remémorer, un peu fantasmer aussi et essayer de creuser afin de découvrir ce que réellement nous avons failli voir sans en avoir le temps.

                       Pour ceux qui ont une mémoire photographique, qui peuvent revoir les détails, que de plaisir, que de ... jouissance personnelle, cachée, égoïste, puis peut-être à partager avec d’autres, difficiles à découvrir, existants que l’on retrouve au tournant d’un chemin, en fin de vie là, souvent où on ne les attend pas.

                       S’isoler pour rester dans ses pensées, pour simplement les retrouver, pour fuir les fureurs de la vie journalière, interrogative, agressive, qui nous culpabilisent parfois d’une chose ou de choses dont nous ne sommes absolument pas responsables, simples exécutifs convaincus que notre rôle bien tenu, perfectionné par quantités d’idées positives, parfois un vrai feu d’artifice, une éruption d’initiatives parfois innovantes, valables, durant une carrière parfois longue.

                      Que de fois ne nous sommes nous pas trouvé devant ce que nous appellerions une grave incompréhension !

                        Ce que, il y a quelques décennies nous pensions être un progrès, une idée hors du commun, une amélioration certaine est aujourd’hui critiquée, remise en question et nous sommes interpellés par d’autres, ceux qui n’ont pas été sur le terrain, qui y connaissent encore moins que nous, qui n’ont pas, qui n’on jamais et qui jamais ne pourrons sentir vibrer cette fibre qui bien souvent s’est manifestée chez nous à un moment de notre existence devant tant de beauté, de différence, d’espoir en l’avenir d’un pays que nous avons aimé profondément.

                         J’ai regardé et encore regardé un de ces florilèges, magnifique dans leur réalisation mais chargés hélaseux aussi de reproches, de culpabilité envers nous tous, non seulement ceux “qui y ont été” mais ceux qui égoïstement, humainement, dirais-je, pensent d’abord à leur confort à satisfaire leurs besoins vitaux à eux et à leurs familles en oubliant que certaines autres populations, des enfants surtout, cela est beaucoup plus porteur, n’ont visiblement pas la chance de vivre comme nous.

                           En sont-ils plus malheureux ? Sans impôt à payer, sans problème de chauffage hivernal, sans objectif de rendement maximum, sans stress du lundi matin ou de la convocation dans le bureau du patron, sans inquiétude de remboursement d’hypothèque pour son logement.

                            Ceux d’entre ces enfants qui ont vu, qui ont espéré plus au nord, chez-nous un éden, un paradis à atteindre sont ils plus heureux, entre chômage, délinquance, petits trafics, bandes urbaine et peur du gendarme ?

                             Bien sûr ils ont une autre vie, loin de la promiscuité des grandes villes de l’Afrique sub-saharienne, et pour eux la vie dans une de nos métropole est certainement meilleure.

                            Mais ceux qui sont restés dans la quiétude du village, en milieu coutumier, sans connaître, sans espérer connaître les capitales européennes ou nord américaines sont-ils nécessairement plus malheureux ?

                              Difficile de répondre car l’espoir est un puissant moteur, encore faut-il savoir ce que l’on peut espérer.

 


                             Revenons en Afrique, l’Afrique profonde, celle de la forêt ou des savanes, celle des gens, qui comprennent la nature, qui vivent avec elle et qui de par leur isolement qui leur a fait éviter le modernisme et parfois, rarement mais plus souvent qu’on ne le crois leur permet une introspection vers la réflexion des raisons de la vie, des raisons de leur vie auprès desquels les affirmations des missionnaires de quelques origines qu’ils soient, de tous ces vendeurs de bon dieux étrangers ne sont que de gentilles élucubrations.

                               Je regardais encore une fois un de ces magnifique florilège et y trouvais des visages de femmes, encore jeunes pleine de fierté, de joie de leur maternité, des plus âgées aussi, ridées et contentes, heureuse et satisfaite du devoir accompli et dont les rides gardent le souvenir.

                                Mais je n’ai pas trouvé de jeunes filles, l’avenir de la génération montante, celles qui doutent encore de pouvoir réussir, de leur fécondité car pas encore réellement testée.

                                Je cherchais ces jeunes filles non pas pour le galbe de leur corps, superbe, bien sûr mais trop facilement aguichant, attractif, je cherchais dans leur regard bien plus que cela.

                                 Il y a quelques années, une dame dont je faisais l’interview de son époux, un botaniste néerlandais me fit cadeau d’un livre de photographies dont elle avait retrouvé les plaques dans une malle au décès de son père.

                                 Le Docteur Muller, originaire d’Habay-la-Neuve est allé travailler au Congo pour les Chemins de fer en 1923; durant quinze ans, il s’est passionné pour la photo et à laissé quantité de souvenirs à sa fille Denise qui les a édités.

                                 Dans ce recueil somptueux, quantité de photos de femmes, en maternité, souriantes, heureuse, mais aussi, une d’entre elle, en page 31, jeune fille sérieuse, pensive, rien que sa figure, énigmatique et je me suis posé la question: a quoi pense-t-elle ?

                                 Toute la profondeur de l’Afrique, des yeux en amande, noirs, profonds qui reflètent toute son ascendance, tous ces ancêtres dont on dit qu’ils furent les premiers Hommes.

                                 Au travers de ce visage grave, de cette vision qui passait bien au delà du photographe nous pouvons entrevoir le premier être humain qui est sorti de l’océan primaire, de la soupe originelle.


                                                                                     Je suis de la mer

                                                                                     J’ai longtemps prié sur

                                                                                      le perron des vagues hautes

                                                                                      Ton lieu de naissance

 


                                                                                                    Edouard Maunick


                                 Elle le sait, elle a conscience d’être un relai, entre notre Eve mythique et les générations futures et qu’importe son actuel environnement, qu’importe le sourire qu’on lui demande et qu’elle donne pas, elle sait, elle suppose qu’il y a bien autre chose dont elle est responsable envers l’humanité toute entière.

                                Fière, maitresse ou esclave, peu importe elle est un masque, un symbole comme les masques que les vieux sortent lors de grands évènements traditionnels, ils ne sont personnes, ils sont seulement représentants d’une autorité formelle ou informelle, d’une puissance bénéfique ou maléfique, de quelque chose d’immatériel mais d’excessivement puissant, une force qu’il faut non pas dominer mais dont il faut se faire un allié.

                                Nous avons certaines manifestations identiques dans nos pays nordiques, le magistrat, le bourreau, la hiérarchie ecclésiastique qui dissimulent totalement ou partiellement leur personnalité car ils représentent eux aussi, non pas leur personnalité propre mais une puissance qui leur a été octroyée.

 


                                                                   Femme, pose sur mon front

                                                                   tes mains basalmiques, tes

                                                                   mains douces plus que fourrure;

 

                                                                                Léopold Sedar Senghor

 


                                 Toutes les femmes du monde ont la même responsabilité que cette jeune africaine, mais bien peu n’en ont conscience; il faut avoir vécu près de la nature, avoir été un simple jouet entre ses mains ou seulement savoir que l’on a un rôle à jouer et que les objectifs pourront être atteints si les circonstances extérieures temporelles ou spirituelle, mais de toutes manières naturelles l‘autorisent, le permettent.


                                 Personnellement, j’ai beaucoup de respect pour la Femme, bien supérieure biologiquement à l’homme qui lui doit aide et protection.

                                 Nous, les membres de la gent masculine ne sommes que les gardiens, les défenseurs de nos sœurs qui elles ont un grand rôle, le rôle principal à jouer dans l’évolution de l’espèce.

 


                                   Que de critiques le texte ci-dessus pourra certainement générer, j’en suis certain mais n’en ai cure.

                                   Si tous les hommes avaient autant de respect pour l’autre moitié de l’humanité, je crois que bien des problèmes pourraient se résoudre d’eux même.



                                                                             Fait à Anderlecht ce 28.03.2010

 

                                                                                           E.A.Christiane



P.S. : Je crois n’être pas seul de mon avis...

 

 

 

Mais tout n'est pas sombre en Afrique noire.

Femme noire

==========

 

Femme nue, femme noire,

Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté!

J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux.

Et voilà qu'au cœur de l'Eté et de Midi, je te découvre,

terre promise, du haut d'un haut col calciné

Et ta beauté me foudroie en plein cœur,

comme l'éclair d'un aigle.

Femme nue, femme obscure,

Fruit mûr à la chaire ferme, sombre extase du vin noir,

bouche qui fait lyrique ma bouche.

Savane aux horizons purs,

savane qui frémit aux caresses ferventes du Vent d'Est,

Tamtam sculpté tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur,

Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée.

 

Femme nue, femme obscure

Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète,

aux flancs des princes du Mali.

Gazelle aux attaches célestes,

les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices de jeux de l'esprit,

les reflets de l'or rouge sur ta peau qui se moire

A l'ombre de ta chevelure,

s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

 

Femme nue, femme noire,

Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Éternel

Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres

pour nourrir les racines de la vie.

 

                                                               

 

 

                                                                                   Léopold Sédar Senghor

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22 janvier 2010 5 22 /01 /janvier /2010 10:50
La colonisation - Vérité et réconciliation
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    En cette fin d’année 2009, je me retrouvais en Espagne et relisais mes notes prises ou rédigées dans les mêmes lieux il y a déjà trois ans.
    C’était en 2006, fin décembre que j’ai écrit à un homme envers qui j’avais beaucoup de respect, avec lequel j’avais de fréquents échanges de vues.
    Il s’agit du notaire Philippe Piron, un ardent défenseur de notre, je dis bien “notre” colonisation.
    Les 12 et 16 décembre 2006, nous avions eu des échanges épistolaires (par courriel comme il se doit) auxquels j’avais promis de répondre avant la fin de l’année.
    Il ne s’agit pas ici d’indiscrétion, mais d’une opinion personnelle que j’ai donnée à un ami, dont je ne suis pas honteux et dont peuvent profiter d’autres amis.
    La question était à la mode à cette époque et les avis se devaient d’être divergeant, comme il se doit:
    “Faut-il créer une commission “Vérité et Réconciliation ?”

Réconciliation

                     Qui doit se réconcilier ?
                                       Nous, les anciens coloniaux ?
                                       Les capitaux belges ?
                                       Le gouvernement belge ?
   
                      Pourquoi se réconcilier ?
                                       Pour l’apport technologique ?
                                       Pour la lutte antiesclavagiste ?
                                       Pour la déculturation ?
                                       Pour les excès de tous genres ?

                      Avec qui se réconcilier ?
                                       Qui est demandeur ? Certainement pas les Congolais qui eux ont d’autres chats à fouetter et qui sont bien peu enclins, 45 ans, bientôt 50 ans, après avoir accédé à l’indépendance politique à rejeter sur leurs anciens colonisateurs les amertumes du XXI éme siècle (à moins peut-être d’y voir la possibilité d’ouverture d’une ligne de crédit supplémentaire).
    C’est l’ambassadrice du Congo à Bruxelles, Justine Kasavubu-Mpoyo qui, en 1995, je pense, à déclaré (je cite de mémoire):
    “Cessons de rejeter sur le colonisateur le poids de nos souffrances. Après 35 ans d’indépendance, plus d’une génération, nous sommes seuls responsables de l’état actuel de notre pays”.
    Et dans le courrier des lecteurs du “Vif/Express sous la signature de J. Lambert, Paris:
    “Assez de repentance, assez de remords, assez d’autoflagellation ! Devons-nous, sans cesse courber la tête, avoir honte de notre passé ?”
    “ Jamais de Gaulle ni Mitterand ne se seraient abaissés à culpabiliser ainsi le peuple de France!”

    Les détracteurs de l’oeuvre colonial belge, nos détracteurs actuels, nous les anciens coloniaux, ceux qui nous critiquent, qui nous mettent au pilori ne sont pas les Congolais, ni les Chinois, ni les Russes, ni les Arabes qui n’ont aucune leçon à nous donner; ce sont des blancs, Européens, nord Américains, mais Belges surtout dont les objectifs ne sont pas avoués mais peuvent être devinés.
    Objectifs économiques pour les uns, car le Congo reste un marché juteux avec ses richesses en matériaux de base, objectifs politiques pour les autres.
   
                        A qui dire la vérité ?
                        Quelle vérité d’ailleurs ?
    La nôtre, celle de ceux qui, sur le terrain se sont dévoués, ont fait carrière bien sûr, mais souvent, très souvent avec une grande conscience professionnelle, beaucoup d’efforts et d’inconfort, avec un esprit de Saint Exupéry tel que l’on nous le demandait en 1960, sans savoir ou en refusant de voir qu’il était présent depuis longtemps.
    Ou peut-être la vérité de ceux qui ont tiré les ficelles au nom de parfois inavouables principes mercantiles ou politiques et en tous cas dans le sens de leurs égoïstes intérêts.
    Ceux là, jamais ne diront la vérité, ils noieront le poisson de l’histoire en spécialiste de la langue de bois, ainsi qu’ils l’ont toujours fait.

                                                                           Rien n’est tout à fait vrai
                                                                           et même cela n’est pas tout à fait vrai

                                                                                                           Multatuli

    Qu’on ne vienne surtout pas reprocher à ceux qui étaient sur le terrain d’y avoir eu des satisfactions, une petite goutte d’intérêts financiers, un zeste d’aventure, quoi de plus normal, nous étions jeunes, nous avions l’élan de la jeunesse, l’ambition aussi et nous avons vécu pleinement cette jeunesse dans les limites des possibilités locales en nous y adaptant.
    Dans la majorité des cas, nous avons aimé notre travail, apprécié notre existence, nous n’étions pas en punition, nous n’étions pas des bagnards ni membres d’une quelconque communauté aux règles astreignantes.
    Un bémol cependant: lorsque nous débarquions en Afrique centrale, notre employeur, quel qu’il soit nous donnait des objectifs à atteindre que nous nous faisions un plaisir de réaliser.
    Ces objectifs étaient limités à notre humble fonction et nous n’étions pas au courant, dans l’impulsion de notre dynamisme, des objectifs supérieurs, économiques, évangéliques ou politiques qui étaient hors de notre portée.
    J’ai actuellement un sentiment d’avoir été roulé dans la farine, du fait que personne ne m’aie mis au courant de la finalité supérieure de mon engagement.
    Quelques jours de formation supplémentaire en économie politique ou en politique internationale n’aurait certainement pas été superflus.
    A moins que je n’aie été particulièrement naïf.

Commission

                       Quelle pourrait en être la composition ?
                       A qui pourrait-on en confier la présidence ?
    Un commission parlementaire risque de tomber aux mains de politiciens qui devraient pour rester dans la ligne de leur politique modeler leurs déclarations, leurs questions, leurs conclusions en fonction de leurs convictions ou du moins de la politique de leurs partis.
   
    Quel membre d’un parti de gauche oserait dira la vérité ?
    Ce sont leurs prédécesseurs au nom des droits de l’homme, de l’égalité, de la liberté et parfois même, mais plus rarement, de la fraternité qui ont poussé, ont exigé l’abolition des colonies à n’importe quel prix.
    L’important était surtout d’appauvrir, de diminuer l’influence du capital supporter traditionnel des partis dits conservateurs.
    Il fallait donc détruire le concept colonial et le remplacer par une démocratie, la plus performante, dans l’optique de ces partis progressistes, une démocratie de type occidentale, équilibrée, bicamérale mais bien peu adaptée à l’esprit des Africains.

    Comment certains élites congolais, nouvellement émergés de la masse, agitateurs éduqués à l’étranger, syndicalistes ou issus d’un certain clientélisme pourraient-ils renier leur parole, critiquer ceux qui les ont admis en leur sein, réprouver une idéologie qui les ont mis en place et qui leurs ont permis de faire fortune ou de vivre en métropole après avoir touché de juteuses prébendes dans les entreprises coloniales en prolongation de quelques années.

    Quel membre du parti du centre oserait critiquer qui que ce soit ?
    Ce parti s’appuie sur notre sens des responsabilités, sur notre complexe de colonisateur, pour brosser nos anciens colonisés dans le sens du poil afin de positionner ses membres les plus influents sur le plan international tiers mondiste.

    Seul le parti traditionnel de droite pourrait faire avancer la discussion à condition de faire oublier que, historiquement allié à l’église catholique romaine, il a poussé la tradition chrétienne à acculturer les populations, ce dont celles-ci risquent fort de lui reprocher, encouragées certainement par les ennemis politiques de gauche en Belgique.

    Reste les extrêmes, tout rouge, tout vert ou tout noir, mais eux aussi cherchent des voix et surtout à affaiblir la position de ceux qui sont en place en les discréditant plutôt que de tenter de se hisser vers de vertueux sommets.

    Mais qui est intéressé ?
    Mais qui serait intéressé ?
    Comment justifier cette dépense d’énergie et de moyens ?
    Pour prouver quoi ?
    Pour convaincre qui ?
    Il serait peut-être difficile en Belgique de trouver une équipe d’historiens dont les membres n’auraient pas déjà un avis positionné depuis le temps que la critique est ouverte sur le sujet, mais je crois qu‘il en existe certainement de très impartiaux.
    Un petit noyau de personnages d’une haute probité intellectuelle, pas nécessairement tous belges qui pourraient se réunir pour faire les synthèses nécessaires, sans être trop nombreux pour éviter que ces réunions ne se transforment en forum.
    Puis d’autres équipes plus spécialisées, qui pourraient encommisionner certains points plus particuliers et méritant un traitement particulier, plus technique
    Ce serait une fixation d‘énergie et de moyens financiers considérables sans être certain d‘avoir un rapport qui intéresserait beaucoup de personnes sauf peut-être certains vraiment passionnés et d’autres historiens.
    Pensez au faible impact qu’à eu la publication  de “Les secrets de l’affaire Lumumba” publié chez Racine en 2005 par une brochette d’historiens de haut niveau.
    Et puis: “Il n’y a pas plus difficile que de faire boire un âne qui n’a pas soif.”

Quels témoignages ?

                        Existe-t-il encore des témoins valables ?
    Les hommes politiques de l’époque, les hauts fonctionnaires de la colonie, les responsables économiques durant la décennie 1950 - 1960 avaient au moins 45 ou 50 ans à l’époque.
    Nous sommes en 2006 (2010 actuellement), un demi-siècle plus tard, plus personne ne peut encore valablement témoigner.
    Comment d’ailleurs seraient perçus ces témoignages ?
    Reste les documents mais certains, beaucoup d’entre eux sont inaccessibles, l’histoire est encore trop fraîche, les retombées sont encore de l’ordre du possible, trop d’intérêts restent en jeu, la question n’est pas apurée, il y a un risque que des pans entiers du dossier ne soient pas révélés, classés secret défense ou secret diplomatique.

    Je lisais des commentaires sur l’avis de Patrick Nothomb en ce qui concerne la décolonisation, notre décolonisation.
    Patrick Nothomb n’est en rien un spécialiste du Congo, il y a vécu intensément, je le concède, du 05.08.1962 au 30.01.1965, soit un peu moins de deux ans et demi.
    Il s’est conduit en réel héros, un homme de caractère, plein d’empathie, courageux, prenant des risques personnels énormes dans l’intérêts des quelques dizaines de ressortissants belges et  étrangers, prisonniers dans des conditions pénibles à Stanleyville sous la férule des rebelles mulélistes
    Il a droit, par son héroïsme à tous les honneurs, à toute la reconnaissance qu‘un pays est capable de donner à un de ses ressortissants
    Du chaos qu‘il a trouvé et qui est malheureusement encore d‘actualité, il le considère comme étant le résultat de trois éléments:
              - Manque d‘élites formées.
              - Volonté du gouvernement belge de laisser tomber la colonie.
              - Fragilité géographique de l’entité.
    Ceci ne constitue pas une critique spécifique contre la Belgique mais une approcher certainement valable de la situation rencontrée par Patrick Nothomb en aout 1964 à Stanleyville
   
    Nous avons tardé à sortir des universitaires, il manquait deux ou trois ans.
    La première université a ouvert ses portes en 1954, la seconde en 1956, et les premiers diplômés sont sortis en 1960- 1961.
    Ils étaient valables et ont rapidement fait fière figure dans le cadre de l’organisation de la nouvelle république.
    Nous avons constaté l’émergence de diplomates, d’ingénieurs, d’officiers, de légistes, d’économistes très valables qui faisant fi d’une fierté exacerbée de leurs origines ont puisés dans l’expérience et les publications étrangères le suivi des connaissances que leur avaient permis leurs tout nouveaux diplômes.
    Et je ne parlerai pas des médecins, dévoués en général mais qui, envoyés à l’intérieur du pays pour couvrir médicalement des régions pauvrement protégées, sans matériel, sans médicaments ont été découragés et se sont souvent repliés vers l’étranger afin de ne pas perdre leurs acquis.
    Si la pression politique n’avait pas été si forte en 1959-1960 de la part des agitateurs, politiciens, syndicalistes et autres démagogues, l’accès du Congo à la souveraineté nationale aurait pu se faire en 1963 ou 1965 et la situation aurait été tout autre.
    Des cadres valables, encore peu expérimentés bien sûr, mais confiants en eux mêmes, potentiellement dévoués, auraient pu prendre le destin de ce pays en main.
    Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, nous n’en serions probablement pas ou nous en sommes et combien de souffrances, de douleurs, de drames, de crimes auraient pu être évités.
   
    L‘opinion belge n‘était pas disposée à supporter une guerre coloniale allant à l‘encontre du sens de l‘histoire..
    La pression était trop forte, l’influence étrangère auprès des nouveaux futurs maîtres de notre ancienne colonie était énorme et structurée et une résistance de la part de la métropole aurait risqué un drame pour notre pays.
    Non ! Cela n’était pas possible aux yeux de l’opinion interne mais aussi de l’opinion internationale; nous aurions été mis au ban de la société, nous qui avions été depuis quinze ans un élément du noyau de ce qui allait être la Communauté Européenne.
    Si vous relisez un de mes textes intitulé “Evolution politique” (http://e.a.christiane.over-blog.com) vous y trouverez, je cite:
    “ L’autorité tutélaire a fermé les yeux, comment faire autrement sans craindre de s’enfoncer dans une guerre coloniale malvenue, onéreuse à laquelle elle n’était pas préparée et risquer un second Dien Bien Phû en Afrique centrale cette fois.”

    Quant à la fragilité géographique de l’entité Congo, si les colonies françaises ont été scindées, cela n’a guère empêché leur liquéfaction quelques années plus tard, fait signalé par Patrick Nothomb dans sa réponse à la troisième question:
    “De ce fait, ces nouveaux pays souvent mono ethniques, se sont avérés politiquement beaucoup plus stables, au moins pendant leurs premières années d’indépendance, que les pays demeurés plus étendus.” ( je n’ai malheureusement pas retenu les références exactes du positionnement de ces phrases de Monsieur Nothomb- regrets).

    Chacun d’entre nous est trop marqué par ses problèmes, ses convictions que pour se laisser convaincre du bien fondé des arguments de ses interlocuteurs.
    Ou bien, convaincu, sans remord, on termine un article, un rapport par une vérité prédigérée... “Globalement négatif”... sans apporter la moindre justification, le plus petit argument.
     Alors, finalement, à qui servirait un livre blanc, une commission ?
    Uniquement à raviver les polémiques, à donner des armes et des munitions à ceux à qui cela profite.

Qui en profiterait ?

    Nous avons eu en Belgique trois grand rois, un diplomate organisateur, un visionnaire et un homme courageux, volontaire, qui a assis notre réputation
    Les deux suivants n‘aimaient pas trop leur métier, le père aurait dû être ingénieur ou scientifique et avait une vue passéiste de la monarchie, et le fils était tourmenté par des problèmes entretenus par son entourage, de conscience, transcendantaux.
    Quant au sixième roi, l‘actuel, , pragmatique, il sait qu’il doit être humain, se rapprocher de la population, tel un Roi du Nord de l’Europe, être un chef de famille typiquement belge.
    S’il y a un Roi d’Espagne, une Reine de Hollande, une Reine d’Angleterre, il y a eu des Rois de France, d’Italie, il n’y a pas de Roi de Belgique.
    Les Saxe-Cobourg sont importés, ils ne sont pas issus d’une vieille noblesse belge, flandrienne, ardennaise, montoise ou limbourgeoise, heureusement d’ailleurs.
    Les Reines ont toutes été étrangères évitant de voir la monarchie critiquée sur le plan communautaire.
    Deux exceptions cependant, le second mariage de Léopold III qui fut un élément de son rejet par la Wallonie et pour bientôt, peut être, le choix de notre futur Roi Philippe.
    Je pense d’ailleurs que le palais en fut conscient dès le début du mariage du prince Philippe, car il ne fit rien pour atténuer l’impact de l’enracinement de Mathilde en Flandres en faisant référence à un oncle plutôt turbulent.
    Quoiqu’il en soit, la monarchie est un élément d’union, un puisant ciment qui indispose les forces centrifuges du pays.
    Déjà, en 1945 - 1950, lorsque certains rêvèrent de nous voir en république, nous avons subi une grave crise politique.
    Nous nous en sommes sortis et actuellement une république belge serait vouée à une séparation quasi inéluctable des deux ou même trois communautés.
    Les députés Lahaut et plus tard Van Rossem n’ont pu faire le poids pour déstabiliser le pays.
    Mais si l’on veut la séparation, il faut détruire le ciment de l’union.
    Tout est bon pour fragiliser la monarchie, les enfants naturels, le renouveau charismatique, la suspicion de collaboration avec l’ennemi et ... la colonie.
   
    Et nous, les anciens coloniaux dans ce maelstrom ?
    Nous sommes manipulés, nous servons de levier pour amplifier le mouvement, pour maintenir la pression chaque fois que nous intervenons publiquement pour défendre la colonisation, pour défendre Léopold II.
    Ceux qui nous manipulent, qui comptent sur nous pour raviver le litige savent que nous réagissons au quart de tour, que nous prenons le mors aux dents à la première occasion pour défendre la monarchie même historique, surtout historique, nous ranimons la flamme de l’animosité et donnons ainsi des arguments aux partis extrémistes séparatistes.

En conclusion

    Personnellement, je pense que nous ne devrions pas céder aux provocations, le palais reste discret, trop discret disent certains, mais ne faisons pas le lit des extrémistes.
    Nous avons l’histoire, les faits et notre bonne conscience pour nous, ce n’est peut-être pas suffisant devant les médias, manipulés et manipulateurs qui ne nous font guère de cadeaux.         
    Ainsi que je le lisais dans le courrier des lecteurs du “Vif/Express” sous la signature de J.M. Dufrene:
    “ La colonisation n’a été ni bonne ni mauvaise, elle a été ... c’est tout et personne, en tant qu’être humain contemporain ne doit se poser une quelconque question sur quoi endosser, assumer, pardonner quant à cette colonisation ...”


                                                                        Rédigé à Benisa fin décembre 2006
                                                                          Remanié à Benisa le 25.12.2009

                                                                                           E.A.Christiane   

   
        
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26 juillet 2009 7 26 /07 /juillet /2009 18:50


LE LAC KIVU
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Historique

 


C’est bien tardivement, en 1894, que l’explorateur allemand le Comte Gustav Adolf von Götzen découvrit officiellement le lac Kivu.

D’une surface de 2.700 Km2 divisé en deux vallées séparées par l’île d’Idjwi, il atteint une profondeur de 482 mètres.

La surface du bassin lacustre du lac Kivu est à peine de trois fois la surface du plan d’eau et il s’évacue vers le lac Tanganyika par la rivière Ruzizi dont le débit est seulement de 70 m3 seconde.

L’eau de ce lac, quasiment stagnante, très basique (PH 9.3), presque fossile, en plus d’infiltration de gaz d’origine tectonique, renferme une grande quantité de déchets organiques fermentescibles et H.Damas, a constaté en 1935 qu’elle était chargée en gaz carbonique et en méthane.


En 1937, une expédition scientifique, ichtyologique, dirigée par le professeur Max Pol, a exploré le lac d‘une manière plus approfondie.

En 1947 Pierre Wigny, Ministre des colonies, a lancé le premier plan décennal de développement de la Colonie après la Seconde Guerre mondiale.

Il a mis en chantier un inventaire des possibilités économiques et scientifiques du Congo, et c‘est dans ce cadre qu‘ en 1947, il a diligenté, dans l’Atlantique et dans les grands lacs l’expédition ichtyologique baptisée “ Expédition Mbizi”.

Le responsable de cette expédition scientifique multidisciplinaire pour l’étude des lacs Albert, Édouard et Kivu était André Capart, directeur du Musée des Sciences naturelles de Bruxelles.

Né en 1917 et décédé en 1993, il était le fils de Jean Capart (décédé en 1947), l’égyptologue, protégé de la Reine Elisabeth, qui s’est rendu célèbre lors de la découverte de la tombe de Tout Ankh Amon.

Ils étaient sept scientifiques, en plus du chef de mission: deux chimistes, deux zoologistes, un botaniste et un préparateur qui se sont installés dans deux maisons à Goma pour une étude qui a duré deux ans.

 


En ce qui concerne ce gaz..

 


En 1960, André Capart a dressé la carte bathymétrique du lac Kivu et en 1963, une usine pilote a été mise en place au cap Rubona (Kysenyi) par l’Union Chimique Belge (UCB).

Le principe du système est assez simple en soi, on plonge un large tuyau en profondeur, on va y chercher de l’eau chargée de gaz, qui en remontant se détend, laisse échapper de grosses bulles, un mélange d’oxyde de carbone et de méthane, on les sépare et le méthane est envoyé dans une usine, Brasseries et Limonaderies du Rwanda, où elle fournit l’énergie.


La teneur en gaz est d’environ 73 % de CO2 et de 24 % de CH4, le reste constitué de gaz divers dont de l’oxyde de soufre.

Il y aurait 55 milliards de mètres cubes de méthane dissous dans le lac; l’usine d’extraction a extrait 80 millions de mètres cubes de méthane en 40 ans... on a encore le temps.

 


A 482 mètres de profondeur, sous 48 kilos de pression au cm2 la capacité de dilution du CO2 est de 20 litres de gaz par litre d’eau.

Quant au méthane, la capacité de dilution serait 20 fois moindre.

Si bien que l’on approche dangereusement, à cause du méthane, du déséquilibre entre gaz et liquide.

 


Que pourrait-il se passer ?

 


Il y a deux précédents: au Cameroun en 1984, le lac Monoun est entré en “éruption limnique” et a tué 37 personnes et le 21.08.1986, toujours au Cameroun, le lac Nyos a fait 1800 morts.

Cela se passe rapidement, le lac bouillonne, sans bruit, le gaz se répand et tous ceux qui sont au niveau du sol (qui dorment), animaux et humains meurent instantanément.

 


Autour du lac Kivu, il n’y a pas 1800 personnes comme au lac Nyos, mais plus de deux millions d’humains, réunis non seulement dans les villages, mais aussi dans de grandes villes comme Goma, Bukavu, Gisenyi, Kibuye et Cyangugu.


La densité de population, génératrice de l’accroissement de la matière organique du fond du lac, a augmenté suite à l’exode rurale.

Sous la pression des activités militaires, de plus en plus de populations abandonnent les collines pour se réfugier dans les cités au bord du lac où elles espèrent protection.


Je ne sais dans quelles circonstances et qui est responsable, mais il semblerait que, dans le but d’améliorer l’alimentation des populations des bords du lac Kivu, on y ait introduit des ndakalas (petits poissons) du Tanganyika.

Naturellement, l’augmentation de la masse fermentescible des profondeurs serait aussi en liaison directe avec la présence de ces ndakalas.


La catastrophe pourrait dès lors survenir du fait, indirectement, de l’activité humaine et de la non-protection de l’environnement.

Cela serait susceptible de générer une terrible tragédie avant la fin du siècle dit-on, vu la rapidité de l’augmentation de la teneur en gaz dans les profondeurs.

 


Qu’est-ce qui pourrait déclencher le drame ?

 


D’abord, le plus simple, une augmentation de la teneur en gaz qui atteindrait son point de saturation et qui se dégagerait comme le gaz d’une bouteille de soda lorsque l’on enlève la capsule.

Ensuite, et cela est plus dangereux mais plus aléatoire, le déversement d’une coulée de lave en profondeur qui romprait l’équilibre et déclencherait prématurément le phénomène.

Le pays est volcanique, une coulée de plusieurs kilomètres cubes de boue qui atteindrait le fond du lac pourrait faire du dégât.

Lors de la dernière irruption du Nyamulagira, le 17 janvier 2002, la lave s’est arrêtée à seulement huit kilomètres du lac..


Il y a déjà eu des coulées de lave qui ont atteint le lac, la baie de Saké s’est séparée (en 1948, je pense) du lac Kivu suite à une coulée qui a créé une digue.

Mais cette baie se trouvait être peu profonde, la lave n’a pas atteint le fond du lac, elle est restée sur les hauts-fonds.

 


Conclusion

 


Le Ruanda se trouve confronté en 2008 à une grave crise d’énergie.

Pays enclavé, sans ressources énergétiques, il dépend de ses forêts pour ses besoins domestiques.

Le bois devient rare, très rare même, et une source de 55 milliards de mètres cubes de gaz méthane est une aubaine que le gouvernement ne saurait ignorer et devrait pouvoir exploiter.

Si ce pays veut se développer il a besoin de saisir cette opportunité.


Il y a urgence.

Espérons que la politique, nationale et internationale, le lui permette.

 

Je vous dis tout cela sans avoir la moindre prétention scientifique ni académique, mais il n’est pas défendu d’être curieux.

 


                                                                               E.A.Christiane

 

                                                                        Anderlecht le 24.04.09

 

 

 

 

 

 

 

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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 10:59

Si nous parlions un peu d’agriculture tropicale.

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Il y a quelques semaines, un des nombreux ministres d’un des aussi nombreux gouvernements du Royaume de Belgique a déclaré que la cuvette congolaise était capable de nourrir deux milliards d’êtres humains.

Il faut dire, que si, en Belgique, nous n’avons pas de pétrole et que nous sommes parfois en panne d’idées, nous avons des ministres et ils le font savoir.

Quelques amis, dont certains d’Afrique centrale, ont exprimé leur scepticisme.

Ils m’ont demandé mon avis à ce sujet, ce que j‘en pense.

Ce que j’en pense ? A la fois peu et beaucoup, mais quelle qualification ai-je pour en penser quelque chose et surtout pour en faire part à mes contemporains ?

Ils ont insisté et c’est ainsi que je vous soumets le pensum ci-dessous, fruit de mes cogitations, nocturnes comme d’habitude.

Comme le disait un dubitatif de la déclaration ministérielle, pour faire de l’agriculture, il ne faut pas seulement avoir une (bonne) terre, mais aussi toute une infrastructure.

Il faut non seulement une volonté mais aussi un certain dynamisme dans la RECHERCHE agronomique pour adapter et sélectionner le matériel végétal et étudier des méthodes adéquates d’amélioration des sols ; mais ce n’est pas suffisant, il y a une tout aussi grande nécessité de veiller au DEVELOPPEMENT d’une infrastructure routière, une organisation commerciale, des installations de transformation, de conditionnement, de conservation, aménager la navigabilité des rivières, investir dans le transport routier, fluvial et ferroviaire, etc.

Il y a énormément à faire à ce sujet, au jour d’aujourd’hui, non seulement en République Démocratique du Congo mais dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.

Les terres cultivables à l’équateur et même sous les tropiques demandent des soins spéciaux pour éviter leur "sahélisation", voire leur désertification, mais les techniques existent.

J’ai fait durant de nombreuses années des extensions de palmiers élaeis et d’hévéas et toujours, nous prenions grand soin juste après le brûlage (le lendemain) de couvrir le sol, de semer dans les cendres encore chaudes en poquets des graines de pueraria javanica et il y en a d‘autres.

Cette plante rampante, cover-crop, légumineuse à croissance rapide (parfois envahissante), couvrant admirablement le sol, si elle est bien introduite en fin de saison sèche (brûlage), germait dès la première pluie et, avec peu de soins couvrait admirablement bien le sol et le protégeait de la stérilisation sous l‘agressivité des rayons solaires.

Pour cela, il faut avoir une certaine expérience de la chose, avoir des moniteurs agricoles et la volonté de suivre leurs conseils.

Parlons maintenant du sol.

Tous les sols ne sont pas fertiles, loin de là, et ce n’est pas nécessairement parce qu’une forêt est luxuriante que nous y ferons pousser du cacao, du café, de l’huile de palme, de l‘hévéa ou autre chose,... quoique.

Il faut aussi le travailler, drainer les zones marécageuses, irriguer si nécessaire, envisager éventuellement des assolements, le couvrir en toutes circonstances, tout cela demande du travail et de la technique.

Traditionnellement, en milieu coutumier, le villageois se contente d’abattre un pan de forêt, de brûler le champ qu’il veut ouvrir et généralement chacune de ses épouses reçoit une parcelle défrichée par son mari.

A partir de là, semer, bouturer, entretenir, récolter les différentes plantes comestibles nécessaires à la famille sont à charge de la femme.

Lorsque la terre est épuisée, après quatre ou cinq ans, lorsque le dernier bananier, le dernier plant de manioc n’a plus la vigueur nécessaire, le champ est abandonné et un autre est défriché un peu plus loin sur la forêt.

Dans le cas particulier du Congo, et sans référence à l’insuffisance de terres dans d’autres pays comme le Rwanda, la terre est vaste, à première vue inépuisable et tant pis pour la parcelle abandonnée dont la végétation et la pédologie auront pris une forme ruiniforme et qui auront bien du mal de se reconstituer.

Cette collectivisation de la forêt est aussi un facteur de sa dégradation.

Le cultivateur villageois ne se sent absolument pas concerné par la préservation du “capital terre”; de la terre, il y en a, tant que l’on veut, il suffit de défricher et de brûler.

Un propriétaire qui posséderait son champ en propre, inextensible, une terre à transmettre à ses enfants, agirait comme un colon; il prendrait soin d’elle, de la conserver, de l’améliorer, de l’enrichir, sachant que c’est d’elle, que lui, sa famille et ses descendants dépendent et dépendront pour se nourrir dans les années à venir.

Il devrait la protéger comme un colon protégeait sa concession, s’y investir et que cela devienne la principale de ses occupations.

En milieu rural en Afrique centrale les hommes ne sont pas des vrais agriculteurs dans toute l‘acceptation du terme; ce sont des villageois qui se contentent d’une certaine forme de cueillette améliorée; pensons au travail qu’un agriculteur fournit à son champ en Europe, il n’a pas assez de ses 365 jours annuels.

Jusqu’au début de la colonisation, me direz-vous, cela suffisait, pourquoi donc ne pas envisager un “retour à l’authenticité”?

C’est faire l’impasse sur deux phénomènes: l’exode rurale d’une part qui attire de plus en plus de population vers les villes et leur confort (aléatoire) et, d’autre part, la poussée démographique qui se maintient malgré la dégradation du fruit du développement d’une structure médicale en milieu rural (et urbain).

Le Congo, comme le Brésil, a des ressources hydriques, la pluie, des rivières, tout cela, à quelques exceptions près, peut être dompté, domestiqué.

Quand on pense à ce que les Israéliens ont fait d’un désert au sol infiniment moins riche que celui de la cuvette congolaise, infiniment moins généreux en eau !

Il faut là aussi de l’aide technique, de la bonne volonté, des gens qui veulent s’investir, des autochtones, mais aussi des étrangers, conseillers, techniciens adaptés aux conditions locales, qui ne viennent pas seulement pour deux ou trois ans, le temps de prendre de l’expérience, d’ajouter un chapitre à leur C.V. et quelques milliers de dollars à leur compte en banque.

Il y avait, avant l’indépendance, les colons et l’accompagnement des agronomes d’Etat. Qu’en reste-t-il ?

En savane, tant qu’en forêt, il y a certainement beaucoup à faire, mais il faudrait planifier, encadrer, avoir une organisation afin que le produit du travail des paysans leur profite à eux en priorité.

Bref, une volonté politique.

Tant que nous y sommes... je voudrais vous parler très brièvement de deux choses.

1. L’exploitation forestière: là, nous nous faisons manipuler de la pire manière.

Je ne discute pas de l’exploitation dont les communautés locales seraient l’objet de le part des forestiers, mais les mouvements écologiques nous donnent l’impression qu’une exploitation forestière tropicale désertifie des grandes surfaces de cette forêt.

Pourquoi en serait-il ainsi ?

Généralement, les concessions forestières s’octroient entre deux rivières et l’exploitant, s’appuyant sur la rivière la plus adéquate afin d’y établir un beach d’embarquement, trace une route principale, carrossable, généralement de 5 ou 6 mètres de large sur la crête entre les deux cours d‘eau.

A partir de là, il prospecte à gauche et à droite, divisant la forêt en parcelles de 100 hectares (par exemple), soit 1 km sur 1 km et fait un recensement des essences exploitables immédiatement.

Sauf cas exceptionnels, il y a de un à cinq arbres valables, commercialisables, exploitables par hectares (cinq est exceptionnel et inespéré).

Une piste est tracée (3 à 4 m de large) jusqu’à ces arbres, qui sont abattus, débités en grumes de 6 ou 8 mètres et évacués (souvent par tracteurs et triqueballes légers) vers des aires de chargement sur la route principale, puis chargés sur des grumiers qui acheminent ces grumes vers le beach.

Les arbres abattus sont des grands arbres pouvant être âgés de 80 à 150 ans (exemple), des adultes, des vieux arbres qui ont, depuis plusieurs décennies, essaimé et créé un site de jeunes baliveaux qui luttent pour leur survie, qui luttent pour le soleil.

Ces jeunes (cette pépinière) ne sont pas ou très peu abîmés par l’exploitation, le passage d’une équipe de forestiers fait infiniment moins de dégâts que le pique-nique d’une famille d’éléphants durant quelques heures.

Cette colonie d’arbrisseaux va trouver sa trouée et croître normalement sans la concurrence du grand-père qui aura été évacué.

La forêt se régénérera tout naturellement, car après l‘évacuation de l‘ancêtre la piste ne sera plus du tout exploitée car cela n’est plus nécessaire avant soixante ou quatre-vingts ans.

A ce moment, elle aura totalement disparu depuis longtemps et la nature y aura repris ses droits.

Le déboisement des collines du Bas-Congo avec ses populations quasi homogène de terminalia exploités, puis remplacés par des brûlis pour l’installation de champs vivriers coutumiers, n’entre pas dans cette catégorie.

2. Les plantations pérennes: indépendamment des préoccupations quant à la biodiversité, l’abattage de la forêt primaire prive l’atmosphère d’une source d’oxygène car il diminue d’autant la surface d’élaboration chlorophyllienne, c’est assez évident.

Mais lorsque l’on remplace cette forêt par une plantation de palmiers, par exemple, plantés en quinconce avec l’idée de couvrir la totalité du sol afin, non seulement de profiter d’un maximum d’insolation mais aussi d’éviter des plages génératrices de mauvaises herbes et donc onéreuses à entretenir, une question peut se poser : qui, de la forêt ou de la plantation, génère le plus d’oxygène ?

Le sol de ces plantations industrielles est couvert en permanence, toute trouée laissant le sol directement en contact avec les rayons du soleil verrait pousser en son sein quantité de mauvaises herbes, diverses graminées envahissantes, ruineuses à éradiquer.

Alors que les investissements techniques dans le réseau routier, dans l’industrie de transformation et dans les installations de stockage peuvent se poursuivre, la plantation peut être renouvelée sur le même terrain.

Nous avons connu des replantations de palmiers qui prolongent la vie de l’exploitation en monoculture jusqu’à cinquante ans (un “replanting” soit 2 fois 25 ans) et même une troisième replantation.

Certaines grandes entreprises agricoles procèdent même à une rotation de leurs plantations pérennes, café, caco, palmier et hévéa, chacune d’elles ayant une vie de vingt à trente ans.

Il n’en est pas de même avec les champs vivriers, tels qu’on les pratiquent en milieu coutumier, du coton, arachides, manioc et maïs etc.

J’ai conscience d’être un peu iconoclaste, d’ébrécher quelques idées apparemment irrécusables développées par certains et bien ancrées chez d’autres.

Mais il n’est pas interdit de défendre ses opinions quand on les croit justifiées et défendables.

                                                                                     E.A.Christiane

                                                                                           15.05.08

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4 mai 2008 7 04 /05 /mai /2008 20:10

LE METHANE DU LAC KIVU

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Historique

 

Il y a eu, dans l’histoire de notre Colonie trois ministres des colonies qui ont eu à jouer un rôle assez particulier:

 

Le ministre Renkin, premier ministre des Colonies qui a hérité de l’Etat indépendant du Congo et a dû organiser la Colonie.

 

Le ministre Franck, après la Première Guerre mondiale qui a dû relancer le processus de développement après quatre ans de gel.

 

Le ministre Pierre Wigny, en 1947, qui a lancé le premier plan décennal de développement de la Colonie après la Seconde Guerre mondiale.

 

Dans ce cadre, il a mis en chantier un inventaire des possibilités économiques et scientifiques du Congo.

En ce qui nous concerne, nous avions entendu parler de “l’expédition Mbizi” dans l’Atlantique Sud en 1948, qui avait été précédée d’une expédition ichtyologique dans les Grands Lacs en 1947, je pense.

Le responsable de ces expéditions scientifiques était monsieur André Capart, directeur du musée des Sciences naturelles de Bruxelles, né en 1917 et décédé en 1993, il était le fils de Jean Capart (décédé en 1947), l’égyptologue, protégé de la Reine Elisabeth, qui s’est rendu célèbre lors de la découverte de la tombe de Tout-Ankh-Amon.

Ils ont à Jette une rue à leur nom, sans qu’il soit spécifié s’il s’agit de Jean ou d’André, entre la rue Bonaventure et le parc.

 

Monsieur André Capart fut donc responsable d’une expédition multidisciplinaire pour l’étude des lacs Albert, Edouard et Kivu.

Ils sont partis, une douzaine de scientifiques, qui se sont installés dans deux maisons à Goma pour une étude qui a duré deux ans.

Il y avait des chimistes, agronomes, physiciens, géologues, vulcanologues et que sais-je encore.

En 1937 déjà, une expédition scientifique, ichtyologique, dirigée par le professeur Max Pol, a exploré le lac Kivu, et le chimiste H.Damas avait signalé, sur simple prélèvement des eaux du lac la présence de gaz méthane en solution.

En 1960, André Capart a dressé la carte bathymétrique du lac Kivu et en 1963, une usine pilote a été mise en place au cap Rubona (Kysenyi) par l’Union Chimique Belge (UCB).

 

Lorsque je me suis intéressé à la question, en mai 2007, j’ai cherché vers la société Electrabel et ai eu un contact avec un ingénieur de Tractebel, qui avait travaillé sur un projet d’extraction d’ammoniaque en 1988 à partir de l’énergie du lac Kivu... cela était un peu en dehors de mes limites temporelles.

Parcourant Google, je suis tombé sur l’adresse d’un professeur de physique, vulcanologue à l’Université de Besançon, Michel Halbwachs; qui n’ose rien n’a rien, je lui ai envoyé un mail auquel il m’a répondu immédiatement et m’a donné le fil conducteur d’une adresse, une personne qui avait participé à cette expédition de 1952.

C’était une dame (une “compagne” ou une “épouse”, plus vraisemblablement une épouse car à l’époque on ne partait pas au Congo avec une “compagne”) qui était sur place, épouse du second chimiste de l‘expédition.

A partir de là, j’ai retrouvé, l’unique rescapé, un ingénieur agronome, en charge de l’inventaire botanique.

 

Par une autre filière, j’ai situé deux personnes de l’UCB, qui a exploité ces découvertes, dans le lac Kivu, j’ai pu avoir contact avec eux.

Mais ce n’est pas facile, ils sont en radio thérapie, ou en chimio thérapie, ils faut les trouver disponibles au bon moment.

J’ai passé de nombreux mois à essayer de faire quelque chose, j’avançais, mais lentement, on a parfois l’impression que les vacances de juillet-août se prolongent dans les brumes de fin d’année.

 

Actuellement, et depuis 1963, nous l’avons déjà dit, une usine d’extraction de méthane a été installée sur les berges du lac.

En principe le système est assez simple, on plonge un large tuyau en profondeur, on va y chercher de l’eau chargée de gaz, qui en remontant se détend, laisse échapper de grosses bulles, un mélange d’oxyde de carbone et de méthane, on les sépare et le méthane est envoyé dans une usine, Brasseries et Limonaderies du Ruanda, où elle fournit l’énergie.

La teneur en gaz est d’environ 73 % de CO2 et de 24 % de CH4, le reste sont des gaz divers dont de l’oxyde de soufre.

Il y aurait 55 milliards de mètres cubes de méthane dissous dans le lac; l’usine d’extraction a extrait 80 millions de mètres cubes de méthane en 40 ans... on a encore le temps.

Voilà où j’en suis.

 

En ce qui concerne ce gaz...

 

Le lac Kivu, est profond de 482 mètres et n’est pas un lac irrigué, comme le lac Léman, irrigué par le Rhône.

Aucune rivière valable n’y entre et la Ruzizi écume le niveau supérieur du lac de son excédent de liquide; si bien qu’en profondeur, l’eau est pratiquement stagnante.

Dans ces profondeurs, les infiltrations de CO2 d’origine tectonique mais aussi les déchets organiques en provenance de l’environnement génèrent non seulement du dioxyde de carbone mais aussi du méthane.

A 482 mètres de profondeur, sous 48 kilos de pression au cm2 la capacité de dilution du CO2 est de 20 litres de gaz par litre d’eau.

Quant au méthane, la capacité de dilution serait 20 fois moindre.

Si bien que l’on approche dangereusement, à cause du méthane, l’équilibre entre gaz et liquide.

  
Que pourrait-il se passer ?

 

Il y a deux précédents: au Cameroun en 1984, le lac Monoun est entré en “irruption” et a tué 37 personnes et le 21.08.1986, toujours au Cameroun, le lac Nyos a fait 1800 morts.

Cela se passe rapidement, le lac bouillonne, sans bruit, le gaz se répand et tous ceux qui sont au niveau du sol (qui dorment), animaux et humains meurent instantanément.

Autour du lac Kivu, il n’y a pas 1800 personnes comme au lac Nyos, mais plus de deux millions d’humains, réunis non seulement dans les villages, mais aussi dans de grandes villes comme Goma, Bukavu, et Gisenyi.

Cela pourrait faire une terrible catastrophe avant la fin du siècle, vu la rapidité de l’augmentation de la teneur en gaz dans les profondeurs.

 

Qu’est-ce qui pourrait déclencher la catastrophe ?

 

D’abord, le plus simple, une augmentation de la teneur en gaz qui atteindrait son point de saturation et qui se dégagerait comme le gaz d’une bouteille de soda lorsque l’on enlève de bouchon.

Ensuite, et cela est plus dangereux mais plus aléatoire, le déversement d’une coulée de lave en profondeur qui romprait l’équilibre et déclencherait prématurément le phénomène.

Le pays est volcanique, une coulée de plusieurs kilomètres cubes de boue qui atteindrait le fond du lac pourrait faire du dégât.

Lors de la dernière irruption, la lave s’est arrêtée à seulement huit kilomètres du lac..

Il y a déjà eu des coulées de lave qui ont atteint le lac, la baie de Saké s’est séparée (en 1948, je pense) du lac Kivu suite à une coulée qui a créé une digue.

Mais cette baie se trouvait être peu profonde, la lave n’a pas atteint le fond du lac, elle est restée sur les hauts-fonds.

Je vous dis tout cela sans avoir la moindre prétention scientifique ni académique, je ne suis pas universitaire, j’ai fait des études secondaires agricoles avec un an de spécialisation tropicale.

Mais il n’est pas défendu d’être curieux.

 

Les dangers.

 

Il est superflu d’expliquer l’impact des images et le poids des mots ainsi que les abus que cela peut générer.

Les récupérations de toute l’actualité sont monnaie courante et pas seulement en politique.

Durant des décennies, malgré la connaissance de la présence de gaz, personne n’en parlait.

Il y a six mois, nous avons commencé à en discuter à “Mémoires du Congo”; peu de temps après, je lisais dans Congorudi que les anciens coloniaux de Spa, Verviers et Liège en avaient discuté lors d’une de leurs réunions, puis aussi quelques allusions dans les journaux et un long article dans le “Science et Vie” de novembre 2007.

Je ne dis pas que c’est nous qui avons relancé la machine, mais, dans les médias un thème devient facilement à la mode.

Et quand un thème revient à la mode, il peut être accaparé, détourné par ceux qui en ont intérêt.

Pour ne prendre que l’actualité de ces derniers jours..

Il y a eu un dramatique accident de roulage au cours duquel une jeune fille de treize ans s’est fait tuer par son bus scolaire.

Immédiatement, les syndicats ont sauté sur l’occasion pour fustiger les employeurs qui exigeaient des chauffeurs de bus des performances inadmissibles dans des conditions difficiles.

Un balayeur de rue offre des bonbons à des enfants d’une école, probablement une provocation; il y a immédiatement une pression sur le bourgmestre d’Ixelles, son échevine de l’Instruction, le directeur de l’école et les enseignantes.

Celles-ci sont immédiatement protégées par le comité des parents d’élèves, les édiles communaux se verront obligés de prévoir un budget pour la protection des enfants, une meilleure surveillance des bambins et le dindon de la farce sera certainement le lampiste, soit le directeur de l’école.

Objectif atteint, un surveillant en plus, et une cour de récréation clôturée.

 

En ce qui concerne le lac Kivu, pour revenir à nos moutons..

Je vois une récupération possible par les Ecolos, Greenpeace etc.

 

1.- La densité de population, génératrice de l’augmentation de la matière organique du fond du lac, a augmenté suite à l’exode rurale. Sous la pression des activités militaires, de plus en plus de populations abandonnent les collines pour se réfugier dans les cités au bord du lac où elles espèrent protection. La catastrophe pourrait dès lors survenir du fait de l’activité humaine et de la non-protection de l’environnement.

 

2.- Revenons à nos scientifiques.. Dans le cadre de l’inventaire ichtyologique, on a fait appel à monsieur Max Pol du musée de Tervuren. J’ai eu l’occasion de voir monsieur Pol, en 1952 dans le cadre de sa profession. Il occupait tout le sous-sol de la partie gauche du bâtiment principal du musée de Tervuren. Jeune étudiant timide et sans expérience, j’ai visité son laboratoire. Max Pol était un homme de grande taille, échevelé, un peu genre Dirk Frimout, affublé d’un cache-poussière qui fut blanc, au milieu de ses bocaux remplis de formol et dans lesquels vivaient une seconde vie, figée celle-là, des quantités de poissons plus horribles les uns que les autres. Monsieur Pol, comme tout son laboratoire, sentait le formol, autant qu’un vieux médecin légiste. Cela ne l’empêchait pas d’être un grand Monsieur; ces nombreuses publications dont j’ai eu l’occasion de feuilleter quelques-unes (pas beaucoup, elles étaient rébarbatives) étaient de grande qualité scientifique et il avait découvert en Afrique Centrale quantité de nouvelles espèces de poissons.

Le lac Tanganyika, qu’il avait exploré du point de vue ichtyologique, n’est riche en poissons que sur environ 300 mètres; plus bas, il est “stérilisé” par la présence d’une grande quantité de soufre, exactement comme le lac Kivu qui lui aussi, est quasiment sans poissons à partir de 280 mètres.

Je ne sais dans quelles circonstances et qui est responsable, mais il semblerait que, dans le but d’améliorer l’alimentation des populations des bords du lac Kivu, on y ait introduit des ndakalas du Tanganyika. Naturellement, l’augmentation de la masse fermentescible des profondeurs serait en liaison directe avec la présence de ces ndakalas. Il faut donc s’attendre à ce que, avant peu, tout ce qui est plus ou moins écolo sur la planète ne fasse un rapprochement et par la même occasion un foin de ce problème, en rappelant les phénomènes identiques des chèvres au Galapagos, des lapins en Australie, de la myxomatose, des abeilles tueuses et tous les autres.

 

Conclusion

 

Le Ruanda se trouve confronté en 2008 à une grave crise d’énergie.

Pays enclavé, sans ressources énergétiques, il dépend de ses forêts pour ses besoins domestiques.

Le bois devient rare, très rare même, et une source de 55 milliards de mètres cubes de gaz méthane est une aubaine que le gouvernement ne saurait ignorer et devrait pouvoir exploiter.

Si ce pays veut se développer, il a besoin de saisir cette opportunité, il y a urgence.

Espérons que la politique, nationale et internationale, le lui permette.

 

 

                                                                                        E.A.Christiane

                                                                               Anderlecht, le 24.11.2007

                                                                                Remanié le 04.05.2008

 

 

 

 

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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 08:20

 

Hommage aux Révérendes Sœurs

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Des travailleuses de l’ombre au service de Dieu et des Hommes

 

 

                                                                                     Pars de ton pays, de ta famille

                                                                                     et de la maison de ton père

                                                                                     pour le pays que je te ferai voir

 

                                                                                                                  Genèse

 

On ne saura jamais assez rendre hommage au travail, au dévouement des membres des congrégations religieuses qui ont œuvré dans les pays en voie de développement.

Une disponibilité totale

Fourmis laborieuses, effacées, nous en avons vu allant de village en village, à bord d’un véhicule délabré dont le carburant était parcimonieusement comptabilisé, à mobylette, à vélo, logeant dans une hutte hâtivement balayée en l’honneur de leur visite, conseillant les couples chancelants, consolant les mourants, soignant toutes les maladies de la brousse, toujours disponibles pour une population villageoise égoïste, exigeante, considérant que ces services leur étaient dus, sans tenir compte de la fatigue de la route ni de l’heure parfois tardive des sollicitations et sans même parfois un mot de remerciement.

Nous les avons vues, parcourant nuit et jour des salles d‘hôpitaux de brousse, au milieu des senteurs, de toutes les émanations humaines, disponibles pour les services les plus ingrats, les plus rebutants, essayant de garder une certaine discipline non seulement parmi les malades mais surtout parmi les membres des familles, envahissants, exigeants, parfois ivres, voire agressifs.

Nous les avons vues créant avec une grande patience, de toutes pièces, sans presque de moyens, des ouvroirs, foyers sociaux accueillant les femmes et les filles de la plantation pour leur donner tant bien que mal des notions d’hygiène, de cuisine, de couture, de soins aux jeunes enfants, pour leur apprendre à tenir leur maison propre, à soigner les membres de leurs familles pour éviter épidémies ou infections.

Que de déboires pour ces religieuses qui parfois voyaient tous leurs espoirs s’évanouir lorsqu’elles avaient découvert une femme qui semblait douée pour les aider, pour prendre la relève ou simplement donner l’exemple aux autres, à leurs voisines, à leurs amies, brusquement disparaitre, rentrer dans son village ou se méconduire d’une manière éhontée.

Elles devaient tout accepter, en toute humilité, considérant souvent qu’il s’agissait autant d’épreuves qui leur étaient imposées “d’en haut” de par leurs conceptions philosophiques.

 

Une vie spartiate

Levées tôt, très tôt le matin, leur journée commence par une prière collective puis un petit déjeuner pris en communauté.

Ensuite chacune va à son travail, infirmière, enseignante, assistante sociale, elles s’occupent de la population africaine jusqu’à l’heure de midi.

Dîner en communauté, petit repos puis reprise du travail jusqu’a cinq heures.

Rien de bien grave, me direz-vous, mais après ensuite, rien n‘est encore terminé: urgences à l’hôpital, catéchèse pour les futurs baptisés, réunions de chorale, activités sociales ou religieuses diverses, puis souper, prière et enfin repos bien mérité.

Les dimanches, jour du seigneur, sont évidemment plus relaxes, prières, repas en communauté, grand messe, puis activités sociales diverses, réunions de militants, d’associations, vêpres ou salut, prières en commun etc.

Peu de loisirs, peu de lecture, l’oisiveté étant la mère de tous les vices, il faut tenir occupées ces épouses du Christ qui sont sur la brèche 24 heures sur 24.

Fi des lois sur le travail, des circulaires syndicales, quels syndicats d’ailleurs?

Les seules règles auxquelles elles sont soumises sont celles de la congrégation.

Les trois vœux pour commencer:

Vœux d’ obéissance: obéissance sans réserve, sans murmure à la “ mère supérieure” qui fait la pluie et le beau temps au sein de son couvent.

Vœux de pauvreté: tout le salaire qu’elles pourraient gagner du fait de leur professionnalisme, comme enseignante, infirmière, assistante sociale ou autre, reste la propriété de la congrégation qui en contrepartie leur assure le logement, le couvert et l’habillement.

Vœux de chasteté: aucune relation d’ordre sexuelle, quelle qu’elle soit ne leur est permise.

Ensuite, il y a le règlement d’ordre intérieur, inhérent à chaque congrégation et qui peut être parfois assez contraignant.

Dans la vie civile, aucun contrat de travail ne serait accepté dans de telles conditions, de nombreuses organisations s’élèveraient contre de tels abus qui s’apparentent à de l’esclavagisme.

Parce que ce sont des associations caritatives, auréolées de tant de qualités, personne ne s’élève contre de telles injustices.

Ces femmes sont taillables et corvéables à merci.

L’érosion du caractère

Au fil des années cependant, ces épreuves marquent leurs personnalités, elles deviennent autoritaires, voire despotiques, orgueilleuses de par le résultat de leur action sans pouvoir être vaniteuses; chez elles, l’amour du prochain fait place à la pitié, les élans du cœur à la compassion, l’empathie au fatalisme, ce ne sont plus les mêmes femmes douces et patientes, leur cœur se durcit, se dessèche face aux malheurs dont elles sont témoins journellement.

 

 

On ne doit chercher et acquérir que Dieu.

 

Thérèse d’Avila

 

Toutes leurs actions, tous leurs sentiments les plus intimes, du fait qu’elles soient entrées en religion, ne leur appartiennent plus personnellement, ils sont dédiés à une tierce personne qui semble en être la source et l’objectif.

Jésus-Christ, leur époux mystique, semble prendre en charge leurs sentiments, leurs pulsions, leurs réussites et leurs échecs.

Elles en arrivent à cacher leur orgueil sous une profonde humilité.

Mais les petites mesquineries de la vie conventuelle, les jalousies, les envies, les tracasseries volontaires, les perfidies verbales, les mots qui blessent, les sous-entendus appuyés, les harcèlements divers ne sont pas rares et bien compréhensibles dans cet univers confiné qu‘est un couvent.

 

Elles ont fait leur choix, me direz-vous.

A voir ...

Un choix délibéré

 

Certaines d’entre elles ont vécu une vie de jeune fille, une vie de femme avant d’entrer dans les ordres.

Les vicissitudes, les revers du destin, les malheurs de l’existence les ont souvent laissé pantelantes sur le bord du chemin qui était encore long à parcourir.

Elles auraient pu refaire leur vie, mais sans attaches ni responsabilités envers qui que ce soit, elles ont fait le choix de consacrer le reste de leur existence à leur prochain, aider par leur expérience ceux qui sont en détresse: soulager les souffrances physiques ou morales devient alors le but de leur futur.

Elles acceptent la discipline d’une collectivité, l’humilité dans l’action, un certain manque de liberté, le renoncement aux joies de la vie dont elles connaissent la saveur, un confort monastique, un certain assujettissement intellectuel et sans oblitérer leurs souvenirs, le fruit de leurs expériences, elles décident de se consacrer à autrui.

Elles décident en toute connaissance de cause.

Celles-là, je les admire !

Une voie tracée

                                         Servir est une religion et j’avais embrassé cette foi,

                                         dans le sentiment que ce n’était qu’en servant

                                         qu’on pouvait atteindre à Dieu.

                                                                                               Gandhi

 

D’autres, dès leur plus tendre jeunesse, ont été confiées à des collectivités religieuses, élevées dans le sérail elles ne voient comme avenir que celui radieux qu’on leur fait miroiter.

Les enfants de troupes eux aussi, ne voient souvent comme avenir que le métier de soldat.

Ces jeunes filles voient, tracée devant elles, une longue avenue et au bout, un horizon radieux, étincelant, éblouissant de symboles, un grand idéal qui leur est présenté comme l’ultime joie, l’ultime but à l’accomplissement de leurs espérances.

Elles découvrent une vie de don de soi, d’amour d’autrui, de dévouement, de sacrifices, de détachement des contingences matérielles, de loyauté envers la congrégation, d’humilité salvatrice, d’empathie envers ceux qui souffrent, de désintéressement total des biens terrestres, de fidélité à celle qui représente l’autorité au sein du couvent, de renoncement aux plaisirs de la vie, de dévotion envers celui qui est leur modèle, qui est leur époux mystique: Jésus-Christ.

Pour y arriver, elles renoncent à ce qu’elles ne connaissent pas, à ce qu’elles ne soupçonnent même pas, elles fuient leurs responsabilités sociales et naturelles.

Jamais il ne leur sera autorisé de fréquenter des amies, des amis avec lesquels

elles pourraient échanger des idées, ouvrir des discussions, partager la joie et la tristesse, réaliser tout ce qui fait la richesse des échanges, le développement de la pensée, de l’esprit critique, les antagonismes, les conjonctions de talents, elles fuient le rôle social qui est celui de chacun d’entre nous.

Elles fuient aussi leurs responsabilités naturelles, fonder un foyer, réconforter un compagnon, accepter leur rôle naturel de génitrice, connaître les joies et les tristesses de la maternité, prendre la responsabilité d’élever des enfants.

Elles voient, ou peut-être ne réalisent-elles pas, la sécurité, l’absence de problèmes matériels, l’assurance de la table et du logement.

Elles ne font pas un choix, elles y arrivent naturellement car jamais, dans ce long couloir de leur adolescence, personne ne leur ouvre une fenêtre pour leur laisser voir de manière positive les possibilités extérieures de leur conditions.

Elles apprécient le goût de l’orange qu’elles trouvent sucrée sans connaître la saveur du miel qui leur est interdite.

 

Qui oserait, durant leur noviciat leur tenir ce discours :

 

“ Mesdemoiselles,

Savez-vous ce qu’est l’amour d’un homme ? Passer une nuit aux côtés d’un garçon que vous aimez profondément, qui est en admiration devant votre corps, vous blottir dans ses bras, apprécier ses baisers, ses caresses et vous laisser entraîner par lui dans des extases, dans les sentiers parfumés d’un éden sans fin et insoupçonnable.

Faites un essai, une semaine, deux semaines avec peut-être une promesse de maternité. Ensuite, vous reviendrez vers nous et, si vous le désirez toujours, alors nous vous accepterons dans notre collectivité.“

 

Je ne crois pas que pareil discours soit dans le programme d’un noviciat.

 

Ces jeunes filles n’ont pas eu la possibilité de choisir en connaissance de cause, elles ont suivi un chemin inéluctable qui les mène à la prise de voile.

Celles-là, je les plains !

 

Le doute

En Afrique surtout, au contact de la partie féminine des populations locales, lorsqu’elles voient, lorsqu’elles côtoient journellement la misère humaine mais aussi le bonheur d’épouses sainement mariées, mères de familles, heureuses malgré les problèmes journaliers, ces “ bonnes sœurs” peuvent parfois être prises d’un doute, surtout celles qui sont dans le sérail depuis leur enfance.

Il leur arrive de pressentir que la voie qu’elles ont empruntée n’est pas nécessairement la meilleure, qu’elles sont peut-être passées à côté de quelque chose qu’elles ne soupçonnaient pas.

Elles ne peuvent avoir d’incertitude, la mère supérieure est là pour leur en dissuader, pour les rasséréner, pour les rassurer.

Mais pourra-t-on jamais savoir à quelle fréquence des “Extases de Sainte Thérèse” œuvre tellement bien sculptée par Gian Lorenzo Bernini, se manifestent dans le calme nocturne des chambrettes, des cellules, de ces dames seules.

Parfois visitées dans leur sommeil par des incubes, elles doivent se mettre en prière et implorer la pitié, l’assistance, de la vierge-mère de Jésus, parfois même se confesser à leur supérieure qui s’évertuera de calmer les tourments de leurs cœurs et de leurs corps.

Si ces doutes deviennent certitude, un certain nombre, plus qu’on ne le croit généralement, décident de quitter le couvent et de regagner la vie civile.

Elles rentrent alors tête basse dans leurs familles qui souvent sont désespérées, elles étaient parfois si fières d’avoir une fille qui est entrée dans les ordres, quel désespoir, peut-être quelle honte pour ces pauvres gens.

Il faut alors trouver du travail, s’insérer dans une vie sociale et économique dont elles ignorent totalement le mécanisme, avec un regret pour leur enfance oblitérée, leur jeunesse perdue, une amertume pour cette partie de vie qui fut mise entre parenthèses; mais aussi une richesse d‘expériences qui pourra leur servir dans leurs nouvelles fonctions avec parfois un autre doute, celui de penser qu‘elles n‘ont pas nécessairement fait le bon choix en quittant les ordres.

Femmes perturbées, amères, toujours profondément croyantes, culpabilisées de leur défection à qui il faudra plusieurs années parfois pour atténuer l’amertume installée dans leur cœur.

Pourquoi ?

Pourquoi parle-t-on si peu de ces femmes extraordinaires qui furent et qui sont toujours des agents actifs, dévoués au développement des populations africaines?

Peut-être parce que ce sont des femmes et que l’œuvre coloniale était avant tout machiste, une affaire d’hommes.

On parle du Roi Léopold II, des explorateurs, des capitaines d’industrie, des financiers, des commerçants, des ingénieurs, des entrepreneurs, des médecins, des agronomes, des missionnaires, des militaires, aucune femme parmi eux et cependant elles étaient là.

On dit qu’à côté de chaque grand homme, il y a une femme remarquable, ce fut le cas en Afrique aussi.

Lancer un pont, ouvrir une route, créer une industrie, chaque fois, ce fut l’œuvre d’un ou d’une équipe d’hommes.

L’autorité administrative, financière, économique, technique, industrielle, c’est une affaire d’hommes.

Les Révérendes Sœurs se sont cantonnées à l’arrière-plan, au contact des populations, des femmes surtout qu’elles ont alphabétisées, auxquelles elles ont inculqué des notions d’hygiène, d’économie, de bonne tenue de la maison, de civilisation.

Et ne dit-on pas qu’éduquer une femme c’est éduquer toute une nation.

Mais, montrer le milieu misérable, parfois sordide dans lequel elles travaillaient, duquel elles essayaient de sortir la population, cela aurait montré le bien mauvais côté de l’œuvre coloniale.

Actuellement encore, en République Démocratique du Congo, l’arme la plus prohibée est l’appareil photographique, la caméra, car elle risque d’être le témoin irréfutable de la misère du délabrement du système.

Les Bonnes Sœurs ont toujours travaillé à l’envers du décor, dans la partie que l’on ne doit pas voir, au niveau du sol, dans les cités, aux égouts éventrés, à la distribution d’eau et d’électricité aléatoire, aux enfants peu ou mal nourris, autant de choses à ne pas montrer au public de peur de briser l’image idyllique du travail accompli par l’administration, de montrer, non pas ce qui a été fait, mais ce qui reste à faire.

Dans les moments les plus pénibles de l’histoire de la jeune République du Congo, elles ont payé, elles aussi, un lourd tribu de souffrances et d’humiliations par le fait seul qu’elles étaient femmes.

                                                    Je pleure sur les peintures de mon “image”

                                                   tandis que je fais mémoire de leur beauté.

                                                                                     Homélie manichéenne copte

En relisant les présentes notes, j’ai un peu l’impression d’avoir été iconoclaste, d’avoir brisé le miroir magique qui nous montrait la vie de ces femmes dévouées dans un écrin si pas de velours mais d’idéalisme flamboyant.

Le bon peuple aime les dessins de Hansi, aime les images d’Epinal et avait parfois l’impression que la bonté et le dévouement des Révérendes Sœurs faisaient partie d’une image idéalisée qui ne pouvait être détruite.

Loin de moi l’idée d’altérer ce tableau, que du contraire, je voudrais que le présent texte soit un texte d’admiration envers ces femmes anonymes qui ont fait, tout autant que les hommes, un travail admirable dans notre colonie.

Durant vingt-cinq ans, j’ai côtoyé quasi quotidiennement les membres de ces collectivités religieuses qui s’occupaient au sein des plantations d’assister le médecin dans les hôpitaux, de parcourir les cités pour répandre la bonne nouvelle, le catéchèse, conseiller, enseigner, consoler.

Ceci n’est donc qu’un témoignage, non pas d’un acteur direct mais de quelqu’un qui a observé de l’extérieur.

Je voudrais cependant convertir le lecteur à mon enthousiasme, à mon admiration envers ces fourmis travailleuses, actives, effacées, discrètes, tellement efficaces pour lesquelles j’ai une très grande admiration et auxquelles je voudrais rendre ici un grand hommage duquel elles sont trop souvent exclues.

                                                                                  E.A.Christiane

                                                                        Anderlecht, le 17.10.2007

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26 septembre 2006 2 26 /09 /septembre /2006 15:01

La place de l’agriculture dans l’économie du Congo Belge

 

AVERTISSEMENT : Le présent texte a été écrit pour être inséré dans le livret explicatif d’un DVD publié en 2006 par MEMOIRES DU CONGO asbl, Avenue de l’Hippodrome 50 - B- 1050 - Bruxelles et intitulé :

Témoignages : Agronomes et Vétérinaires au Congo Belge et au Ruanda-Urundi - 1908 -1960.

Coordinateur: Pierre Butaye

Réalisateur du DVD: Guy Dierckens

Rédacteur: Ernest Christiane

 

 

L’agriculture est l’activité primaire de base dans tous les pays du monde. Elle permet de nourrir la population et ses acteurs sont le garant des traditions ancestrales, l’âme de la nation. Le Congo n’a pas fait exception et, à l’arrivée des premiers Européens, les entités traditionnelles, les diverses ethnies avaient organisé leur approvisionnement en fonction des disponibilités locales, la cueillette, la chasse, la pêche, complétées par la culture de quelques produits viviers et du petit élevage. La disponibilité des terres cultivables permettait d’assurer l’autosuffisance alimentaire à la population essentiellement paysanne dans des conditions climatiques normales.

Les approvisionnements n’étaient pas réguliers, non seulement ils étaient saisonniers mais sujets aux aléas de la météo ou des invasions d’insectes.

 

Peu de plantes vivrières sont originaires de l’Afrique centrale, le sorgho et le millet peut-être quoique certains scientifiques pensent qu’ils pourraient venir de l’Asie du Sud Est ou de l’Inde.

Les origines de l’igname, qui a toujours constitué l’aliment de base des gens de la grosse forêt n’a pas su être déterminée avec précision.

Par contre, en ce qui concerne l’arbre de vie, le palmier à huile, l’Elæis Guineensis, il est originaire du golfe de Guinée et semble avoir toujours été l’arbre miraculeux donnant une huile comestible abondante, une couverture à la hutte familiale et l’ivresse pour les moments de joie ou de tristesse.

 

Quant aux autres plantes comestibles consommées dans la cuvette congolaise elles proviennent des autres continents transportées dans les bagages des commerçants et trafiquants de tous poils.

 

D’Amérique Centrale ou méridionale, les négriers de l’Atlantique ou les commerçants portugais ont ramené au XVIIéme siècle l’arachide, la patate douce, le maïs, le cocotier, quoique celui-ci pourrait provenir de l’Océanie et surtout le manioc, base actuelle de l’alimentation d’une bonne partie de la population congolaise

 

Plus tard, fin du XVIIéme, début du XIXéme siècle, les Arabes ont introduit des espèces en provenance du Sud Est asiatique ayant transité par l’Inde, l’Arabie et la côte de l’océan indien, telles le ris, le soja; la canne à sucre aussi quoiqu’elle semble avoir été introduite à partir des Iles Canaries vers le XVéme siècle.

 

Le bananier est une des plantes les plus précieuses des pays tropicaux et subtropicaux. Il est originaire des régions tropicales de l’ancien monde, mais, les espèces comestibles ont leur berceau dans l’Asie sud orientale, l’archipel malais et les Iles Philippines. La présence du bananier dans la cuvette centrale remonte à très loin, il est déjà signalé par les trafiquants esclavagistes le long du fleuve Congo au XVIéme siècle.

 

1. L’État Indépendant du Congo

 

L’arrivée des premiers Européens suivi de l’organisation administrative et le développement économique du pays ont profondément modifiés la structure de l’agriculture.

 

Tout en continuant à subvenir aux besoins de la population sédentaire, il fallait aussi assurer l’approvisionnement des expéditions d’exploration, de l’administration, de l’armée et de toutes une série de petites agglomérations dont certaines prendront de plus en plus d’ampleur, centres administratifs, commerciaux ou miniers. Le glissement de population du milieu agricole vers les agglomérations naissantes eut pour résultat que les villageois agriculteurs devront dégager des surplus agricoles pour ravitailler ceux qui auront quitté le milieu agricole pour vivre dans les centres extra coutumiers. Dans un premier temps ce sera particulièrement difficile dans le Mayumbe et le bas Congo ou une grande quantité de cultivateurs seront détournés de leurs travaux agricoles traditionnels pour assurer le portage puis devront participer au ravitaillement de la masse de travailleurs importés pour la construction du chemin de fer. Ces grandes modifications structurelles seront encadrées non seulement par un tissu administratif naissant mais aussi par l’installation de missions dirigées par des congrégations religieuses ayant pour objectifs l’évangélisation mais aussi l’éducation et le développement sanitaire.

 

A cette époque, les exportations agricoles étaient axées sur les produits de la cueillette, essentiellement le caoutchouc des lianes laticifères et l’ivoire. Mais rapidement, des sociétés agricoles s’installent et se hasardent à investir dans une agriculture nouvelle et aléatoire. Quelques années plus tard, on assiste à quelques timides tentatives d’exploitation forestière qui tenteront de couvrir les besoins locaux. D’autres essais de plantations industrielles sont mis sur pied avec des résultats assez décevants, du café en 1881, du cacao en 1886 et de l’hévéa en 1904 introduit pour compenser la diminution des lianes laticifères surexploitées. Dès 1886, fut créée la C.C.C.I. (Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie), la douairière, qui envoya dans l’hinterland congolais en 1890 et 1891, deux expéditions dont la dernière fut prise en charge par la jeune Compagnie du Katanga afin d’explorer et d’évaluer les capacités économiques de ce vaste pays.

Dès 1886, le Syndicat de Mateba importe ses premières têtes de bétail.
En 1888, création de la Compagnie des Magasins Généraux et la Société Anonyme Belge pour le Commerce du Haut Congo (S.A.B.). En 1889, création de la Compagnie du Chemin de fer du Congo.

Dès 1894, quarante steamers sillonnaient le moyen et le haut fleuve ainsi que leurs affluents. Dés la fin du XIXeme siècle le milieu scientifique belge s’est attelé à faire l’inventaire de la flore du centre de l’Afrique, nous ne citerons aucun nom, les grandes figures sont bien connues mais combien de dévoués collaborateurs plus discrets mais tout aussi efficaces ont-ils été oubliés. Tandis que le Jardin Colonial de Laeken procède à l’introduction de plus de 800 espèces, le jardin botanique d’Eala, qui fut créé en 1900, la même année que celui de Kisantu, acclimate plus de 1200 espèces tropicales économiquement prometteuses.

En 1902 création de La Compagnie du Chemin de fer du Congo Supérieur au Grands Lac Africains (C.F.L.). En 1906 naissance de l’ Union Minière du Haut Katanga, La Compagnie du Chemin de Fer du Bas Congo au Katanga (B.C.K.) et la Société Forestière et Minière du Congo (Forminière).

 

2. La Colonie

 

La reprise du Congo, le 18 octobre 1908, par la Belgique a amené de très grandes réformes dans la politique économique.

Le gouvernement belge, nouveau responsable du Congo, s’est immédiatement employé sous l’impulsion du Ministre des colonies et sous la direction d’un Gouverneur Général responsable en Afrique à organiser un état moderne, à mettre en place une administration efficace et motivée. Durant les six premières années de la colonie, les efforts du gouvernement furent axés sur la mise au point de la politique coloniale. Dès 1910, il fut créé, au sein du Ministère des Colonies une Direction Générale de l’Agriculture. Le développement économique et le bien être des autochtones devenaient, immédiatement après l’organisation administrative, les principales priorités.

 

La production de cuivre par l’Union Minière du Haut Katanga a réellement commencé en 1911, dès lors, l’agriculture n’était plus le seul moteur économique de la jeune colonie. L’industrie extractive se diversifie, le cuivre bien sûr, à tout seigneur tout honneur, mais aussi l’or, le zinc, le diamant, le cobalt, le plomb, le tantale et les métaux rares; bref la mise en valeur du “scandale géologique”. Elle participe très largement à la prospérité du Congo mais détourne, ainsi que la construction et l’entretien des routes, la main d’œuvre agricole, les paysans, de leur activité traditionnelle.

 

Les grands centres extra coutumiers naissent autour des piliers industriels et administratifs et les agriculteurs qui sont restés dans les villages doivent redoubler d’efforts pour assurer l’approvisionnement en vivres des nouveaux citadins.

 

Les premiers investissements des entreprises agricoles se rentabilisent, d’autres sociétés apparaissent, des capitaux étrangers s’investissent dont le groupe britannique Lever Brothers qui crée la Société Huileries du Congo Belge. A partir de cinq concessions de soixante kilomètres de rayon, à Bumba, à Basongo, à Barumbu, à Lusanga et dans la Ruki-Momboyo, le groupe Lever Brothers développe ses sites d’exploitation par l’achat de produits aux villageois, dans un premier temps, puis par l’installation de plantations industrielles. Dès 1929, les Huileries du Congo belge, produisaient 30.296 tonnes d’huile de palme et 75.388 tonnes de noix palmistes.

 

L’élevage prendra de plus en plus d’extension durant toute la période coloniale malgré les difficultés non seulement d’acheminer des souches productives au centre de l’Afrique mais aussi de les adapter aux conditions climatiques et surtout de lutter, de tenter d’éradiquer les grandes maladies épizootiques telles que la trypanosomiase, la piroplasmose etc. De grands élevages virent le jour dans le Bas Congo, au Katanga et au Kivu, mais aussi dans les Bandundu, l’Ubangi et la Province Orientale.

 

De 1909 à 1960, l’essor de la colonie est croissant mais trois événements extérieurs influencent en sens divers le développement.

 

3. La première guerre mondiale

 

Cinq ans après la cession à la Belgique, la première guerre mondiale brisera le dynamisme de l’expansion en provoquant la rupture des communications avec la métropole.

 

Les efforts de production, spécialement de riz des montagnes, de café, de coton et d’huile de palme continuèrent cependant malgré les difficultés conjoncturelles:

 

 

 

 

Statistiques du commerce extérieur

année

tonnage

valeur

 

T

,000 BEF

1913

34.622

531.794

1914

32.477

509.501

1915

38.214

693.741

1916

62.844

1.247.203

1917

81.975

1.583.461

1918

65.602

1.078.932

1919

82.843

1.541.304

 

Grâce au travail de la population rurale encadrée par les Agents de l’Administration, la situation agricole fin de la première guerre mondiale était excellente.
Les produits de consommation non seulement étaient présents sur tous les marchés locaux, ruraux ou miniers, mais aussi flatteusement représentés sur les marchés internationaux.

La fin des hostilités a marqué le début d’une grande expansion économique suite à la création de quantité de nouvelles sociétés industrielles, commerciales et agricoles souvent mixtes. En milieu coutumier, le riz, le maïs, le manioc, les haricots, la patate douce, le soja, l’arachide, le coton; mais aussi des petites puis de grandes plantations d’huile de palme, de canne à sucre, de café, de bananiers, de thé, d’hévéa, de cacao, de tabac, sans oublier le pyrèthre, le quinquina, la papaïne, les plantes à fibres etc. qui ont vu leur production augmenter d’une manière étonnante suite aux efforts des paysans mais aussi des compagnies de plantations qui ont consentis de gros investissements dès 1910.

 

Les années 1918 à 1933 furent réellement des années d’expansion et de développement agricole de la Colonie. L’enseignement agricole prend de l’importance, tant de la part de l’administration coloniale et des missions, mais aussi de l’initiative privée des entreprises agricoles présentes sur le terrain qui forment leurs propres cadres subalternes puis bientôt supérieurs. Plusieurs stations d’essais furent créées à cette époque, tels Barumbu, Yangambi et Lula. En 1921, le gouvernement organise la culture cotonnière en milieu coutumier parallèlement au développement de l’industrie textile à Léopoldville et en 1933, la mise en place du paysannat agricole assure une large autonomie vivrière mais conforte aussi l’industrie textile. Ces paysannats avaient pour objectif un développement agricole intégré en vue de l’amélioration des conditions de vie en milieu rural. Le 9 juin 1926, fut créée la Régie des Plantations de la colonie (REPCO) afin d’étudier et de réaliser l’établissement de plantations modernes.

 

4. La grande crise économique

 

La crise économique de 1929 à 1934 freine le commerce extérieur et amène une diminution des exportations de l’ordre de 40 %.

 

Un grand nombre de Sociétés agricoles ont dû restreindre leurs activités, licencier de la main d’œuvre, et certaines, moins solides ont disparu de la scène économique. Il faudra attendre 1937 avant d’avoir retrouvé la croissance d’avant la crise.

Statistiques du commerce extérieur

année

tonnage

valeur

 

T

,000 BEF

1928

257.633

1.705.508

1929

300.333

2.006.086

1930

340.317

2.099.461

1931

273.373

1.533.519

1932

205.240

927.744

1933

269.064

914.446

1934

336.086

1.171.365

1935

398.983

1.202.943

1936

427.271

1.489.582

1937

601.704

2.556.674

 

 C’est en 1933 que fut créé l’Institut National pour l’Étude Agronomique au Congo belge (INEAC) avec pour objectif l’étude scientifique, l’amélioration, l’acclimatation des ressources agricoles, l’élaboration de techniques de plantation adaptées afin d’assurer aux populations autochtones le bien être nécessaire à leur développement et générer un surplus destiné aux marchés mondiaux.

 

L’INEAC a entrepris l’ étude scientifique non seulement des sciences de la terre et de l’environnement telles la géologie, la pédologie, la climatologie, l’entomologie, mais aussi l’amélioration du matériel végétal par sélection et génétique, la phytopathologie sans oublier les ressources forestières, la zootechnie , la pisciculture et la mécanisation. Reprenant les plantations de la Régie des Plantations de la Colonie (REPCO), développant d’autres stations de recherches réparties sur tout le territoire et surtout en créant la station de Yangambi où seront développées les recherches sur les cultures vivrières et industrielles, l’INEAC a pris une position en flèche dans la recherche agronomique et s’est hissé aux premiers rangs des institutions scientifiques internationales. Yangambi était devenu un haut lieu de la science agronomique.

 

5. La seconde guerre mondiale

 

Après une nette amélioration de la conjoncture, la seconde guerre mondiale a pour effet de soumettre l’économie congolaise aux besoins, aux exigences des alliés dans le cadre de l’effort de guerre.

Si l’industrie extractive est souvent citée comme exemple pour sa participation à la victoire alliée en 1945, l’agriculture n’est pas demeurée en reste. Un effort fut demandé aux chefferies, non pas uniquement durant la seconde guerre mondiale, mais déjà en 1917, afin d’augmenter le ravitaillement et l’équipement des armées.
Durant cette dure période, de 1940 à 1945 la production ne fléchit pas, l’effort de la Colonie pour soutenir l’action des alliés contre les forces de l’Axe fut considérable et déterminante pour la victoire finale.

 

 

 

 

 

 

Statistiques du Commerce extérieur

 

 

 

année

tonnage

valeur

 

T

,000 BEF

1939

499.420

1.785.966

1940

450.156

2.626.573

1941

505.806

3.446.759

1942

583.685

4.079.482

1943

634.867

4.838.454

1944

541.821

4.809.128

1945

598.981

4.991.455

1946

708.838

6.025.644

 

La fin de la seconde guerre mondiale voit la mise en place et la réalisation d’un plan décennal de planification publique du développement avec la participation des entreprises privées en vue de l’extension et de la rationalisation des créneaux du transport, de l’industrie et de l’agriculture qui prend de plus en plus d’importance face aux productions minières.

 

Valeur du produit 1947 (en milliers de francs) 1951

Produits agricoles 3.463.453 9.817.517

Produits miniers 4.201.648 9.769.051


 6. La dernière décennie

 

En 1951, la parité entre les deux branches majeures de l’économie congolaise était acquise, l’équilibre était atteint.

 

Le plan décennal est une grande réussite, entre 1945 et 1959, le revenu par habitant en milieu agricole a doublé et la population vivant de l’agriculture a augmenté de 20 % atteignant le chiffre de 10.768.000 habitants.

 

 

 

 

Produit

Référence 1948

Références ultérieures

 

 

 

 

Superficie

Production

Superficie

Production

Référence

 

Ha

Tonnes

Ha

Tonnes

Année

Manioc

587.001

567.096

583.273

780.632

1952

Palmier Elaeis

148.430

 

270.287

 

1959

Huile de Palme

 

155.452

 

245.216

1957

Noix palmiste 

 

111.513

 

140.000

1957

Café Robusta 

46.590

15.954

157.692

51.694

1959

Café arabica

12.136

3.238

26.021

8.727

1959

Cacao

12.546

1.625

23.669

4.514

1959

Thé

724

87

4.734

3.669

1959

Hévéa/CTC 

82.887

5.301

93.036

40.420

1959

Coton 

317.852

123.204

337.000

135.836

1957

Quinquina

4.868

960

4.844

1.742

1957

Pyrèthre

2.244

512

3.173

997

1952

Bananes Table

4.955

2.828

10.355

21.466

1952

Canne à sucre

2.685

 

3.427

 

1957

Sucre

 

15.730

 

17.331

1957

 

Le 30 juin 1960, jour de la passation des pouvoirs, de la cession de la souveraineté nationale aux Congolais, la Belgique, transmettait un pays prospère, à l’économie florissante, équilibrée, dans laquelle la part de l’agriculture était représentative et permettrait un développement rural tant par les études scientifiques mises en place que par l’enseignement et la production largement excédentaire.

 

Aucun habitant, congolais ou expatrié ne souffrait de malnutrition, d’insuffisance alimentaire.
L’élan était donné, l’horizon était dégagé, le Congo indépendant pouvait prétendre prendre place dans le concert parmi des nations modernes et prospères.

 

 

 

                                                                                     E.A.Christiane

                                                                              Pour mémoires du Congo  

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25 septembre 2006 1 25 /09 /septembre /2006 08:57

Yaligimba libéré

==========

 

                                   Mokili mokalamba

                                   Mokili mai na bwatu

                                            L'univers change, il est

                                            comme de l'eau dans une pirogue

                                                             (Chanson congolaise)

Début juin 1965, nous étions à Alberta, à douze kilomètres de Bumba et notre objectif était de récupérer la plantation de Yaligimba située soixante kilomètres au-delà de Bumba sur la route d'Aketi.

Les militaires avaient progressé vers Aketi, dépassé la rivière Loeka et établi une position à Yandombo, à l'embranchement de la route menant vers notre autre plantation de Mokaria et au-delà, à Basoko.

Yaligimba serait la plus grande plantation du Congo d'un seul tenant 13.500 hectares, au fait il y a deux plantations distinctes unies par le bloc Jonction, de quelques hectares, ce qui permet de dire que la plantation est d'un seul tenant.

C'est énorme: cent trente cinq carrés d'un kilomètre de côté, tout cela planté de palmiers dont les plus âgés dataient (nous sommes en 1965) de 1941 et les plus jeunes de 1959; une magnifique plantation.

Le premier juin, nous entreprenons une première prospection, deux jeeps avec mitrailleuses doubles affûts, une petite patrouille à travers la palmeraie afin de faire des estimations de coûts de remise en état, voir ce qui restait de l'usine, quelles maisons à réparer, où habiter dans un premier temps etc.

Les mercenaires qui nous accompagnaient étaient prudents, environ tous les deux kilomètres, parcourus sur les routes encombrées de végétation (qui reprend vite ses droits à l'équateur), nous nous arrêtions pour lâcher une longue rafale de Mi.30 afin d'avertir de notre présence et de faire fuir les éventuels éléments malfaisants.

La plantation de Yaligimba était donc dans une enclave conquise sur la rébellion, à environ 10 kilomètres au-delà de la rivière Loeka; nous étions protégés sur la route d'Aketi par une position située à Yandombo, une quinzaine de kilomètres plus loin.

Plus tard, une autre position sera établie vers Aketi à Bonduki, environ quarante kilomètres plus loin que Yandombo, à la limite de la Province orientale.

Les militaires avaient établi leur cantonnement sur la route d'Aketi, au centre commercial de Yaligimba; c'est ainsi que nous avons décidé de nous installer dans un premier temps, non pas au centre administratif de la plantation mais bien au Département des Recherches à un kilomètre de nos défenseurs.

Le premier juillet, c'est le grand jour, nous partons avec quatre véhicules légers, et douze camions bennes chargés à ras bord de tout ce qui fallait pour redémarrer.

Nous étions trois Européens, un directeur britannique avec qui j'avais déjà eu quelques aventures à Stanleyville et à Elisabetha en 1960-1961, Chris Lipscomb, un ingénieur belge et moi-même.

En ce qui me concernait, mon travail consistait à regrouper la main-d'œuvre, commencer à dégager la plantation et m'occuper des relations avec les militaires et les mercenaires.

Premier problème: des douze camions partis d'Alberta, seuls trois sont arrivés, c'était des nouveaux véhicules et les réservoirs avaient été enduits intérieurement de je ne sais quel produit qui s'est dissout sous l'action du mazout et a colmaté les injecteurs.

Petit problème finalement rapidement solutionné.

Après quelques trois ou quatre semaines nos travaux avançaient bien, la plantation se dégageait, les bâtiments étaient nettoyés les uns après les autres, l'usine contrôlée et bientôt nous pourrions envisager notre déménagement vers le centre de la plantation.

Chris Lipscomb et moi-même habitions une grande maison au centre de recherches, j'avais une chambre, ancien bureau, avec vue sur le jardin.

De par ma responsabilité de contact-man avec les militaires, je recevais tous les dimanches matin les mercenaires qui avaient des problèmes.

Divorces, problèmes de justice en Belgique, affaire en cours etc., j'ai rédigé quelques lettres destinées aux avocats, assisté à des tractations pour la vente d'un bar dans le quartier de la gare du Nord à Bruxelles, écouté des doléances diverses, donné des conseils à l'un, remonté le moral de l'autre, bref un travail d'assistant social.

Un jour, je constate, après une grosse pluie, qu'il y avait des odeurs bizarres dans ma chambre; après quelque prospection dans le jardin, je remarque une main décharnée qui sort de terre.

Les militaires avaient fusillé à cet endroit une douzaine de "rebelles" qui avaient d'abord creusé leur trou, un mètre maximum.

Nous y avons ajouté un camion de terre, que pouvait-on faire de mieux ?

Une nuisance étaient les chiens errants, réunis en bandes d'une dizaine, ils écumaient la plantation et parfois attaquaient les femmes et les enfants.

Ces chiens (ainsi que les cochons) avaient vécu presque un an en mangeant des cadavres, ils étaient dangereux parce qu’ agressifs et peut-être porteurs de maladies contagieuses.

Lorsque, en plantation, je rencontrais une de ces bandes, je réglais cela à la mitraillette, c'était radical, il nous a fallu un mois pour liquider le problème.

Enfin, fin novembre, la situation semblait suffisamment stabilisée pour que nos épouses, celle de Chris et la mienne, puissent venir nous rejoindre avec mon fils de presque cinq ans.

Il y avait aussi des choses plaisantes: j'avais récupéré dans la brousse, l'harmonium des sœurs que nous avons nettoyé, remis en état (il avait servi d'abri à une colonie de rats qui y avaient laissé un tas de déchets et même des petits cadavres).

Cet harmonium a agrémenté nos soirées pendant quelques mois et Monseigneur Waterschoot lors d'une visite en a conclu qu'avant de réintégrer la chapelle du couvent, cet instrument avait besoin d'être très sérieusement exorcisé.

Nous avions reçu pour Noël, une petite dinde à partager entre nous; contente, mon épouse veut la cuire au four.

Oui mais voilà, aucun récipient n'était assez grand pour contenir la bête; heureusement, une boîte à munitions, triangulaire, bien nettoyée, a fait l'affaire.

La débrouille quoi ! !

 

 

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