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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 17:11

Lorsque le soleil devient noir.

 

 

            La vie ne nous fait pas que des cadeaux, elle est une lutte de tous les jours pour chacun d’entre nous pour résoudre les problèmes qu’elle nous soumet, les énigmes pour lesquelles il faut que nous trouvions des solutions.

           Mais en général, le bilan est positif, il faut avoir de la chance bien sûr, du courage depuis l’âge de raison, que l’on situe en général vers 7 ans, et une opiniâtreté jusqu’au dernier jour de notre existence.

            C’est une lutte pour émerger, on ne peut être le meilleur en tout, même le meilleur en rien est en soi une bonne chose tant que l’on reste dans une juste moyenne, dans le cadre de notre bien être, de notre conception de la vie.

            Il y a place pour tout le monde, l’importance est d’avoir un peu d’ambition et de considérer que la place est bonne, mais qu’il y a mieux, juste un peu plus haut, ce qui nous obligera à faire un effort sans que cela devienne une obsession.

            Le progrès, la croissance dans l’échelle sociale ne doit pas être fulgurante, elle doit être progressive mais ininterrompue.

 

 

Les aléas de l’existence

 

                                                                                               Si ... .

                                                                                               Tu seras un homme mon fils

                                                                                                            Rudyard Kipling (1901)

 

            Les coups durs, il y en a, ils sont en préparation très souvent sans que nous nous en apercevions, ils sont en cours et nous désespèrent ou encore, ils sont dans nos souvenirs proches et ils continuent à marquer notre vie.

            Si nous avons la sagesse de les prévoir, nous nous efforçons de les éviter, mais ils surviennent trop souvent sans préavis, ils nous réveillent un matin au saut du lit sans que même nous n’ayons pu envisager qu’ils puissent se manifester.

            Et puis, petit à petit, ils s’éloignent, on ne les oublient pas, mais ils cessent d’occuper tout notre horizon, remplacés par d’autres problèmes que nous devons aussi prendre à bras le corps

            Nous avons crains pour l’amour, la pérennité de notre ménage, pour la santé de nos proches et la nôtre, nous avons eu des catastrophes, des incendies, des tempêtes, la grêle qui détruit les récoltes, des inondations, la perte d’un être cher d’un enfant peut-être, la ruine financière, un accident, des trahisons, la maladie du bétail, une guerre extérieure, nous avons été victimes d’escrocs, de tourmenteurs divers qui en voulaient à notre valeur morale.

            Tout cela, toutes ces attaques, tous ses soucis ponctuels, nous les avons combattus, nous avons négocié plus ou moins bien, nous avons surmonté le stress et avons plus ou moins gardé notre personnalité même si quelques cicatrices psychologiques, celles qui ont formé ou transformé notre caractère peuvent ne jamais totalement disparaitre.

            Ils font et ils feront, jusqu’au dernier jour de notre existence partie des expériences auxquelles nous pourrons toujours nous référer même si, comme on le dit, l’expérience des parents n’est que rarement léguée aux enfants.

 

 

Profondes douleurs

 

            Mais, hélas ! il y a parfois pour certains d’entre nous des chocs bien plus graves, des attaques qui nous interpellent bien plus sérieusement, au plus profond de notre être.

            Ce sont les espoirs déçus, des élans psychologiques brisés, lorsque l’on a basé toute son énergie à résoudre un problème grave, grave parfois seulement pour nous, mais important à nos yeux, dont la résolution devrait avoir un puissant impact sur notre moral, sur notre avenir.

            Ce sont ces déceptions profondes qui nous font paraitre le soleil, notre astre radieux, lumineux, celui qui par sa clarté nous donne la vie, il nous le font paraitre froid, mais aussi sans reflet, sans teint, terne, parfois totalement noir.

            Un objectif sur lequel on travaille, on concentre toute notre énergie, tout notre savoir faire, toute nos espérances, il est le but a atteindre, il est de jour en jour à portée de main, il est là, prêt à être saisi, il se donne, enfin il est atteint ou presque...

              Puis, tout s’écroule, un détail, une légère erreur, un incident, un mauvais calcul et c’est le trou noir, c’est le soleil noir.

 

 

Espoir d’avenir

 

                                                                                                                      Adieu, Lili Marleen

                                                                                                                                Hans Leip (1915)

 

            Il est là, ce jeune homme, fier comme un coq, heureux comme pas possible, il va se marier avec sa dulcinée, celle qu’il fréquente depuis bientôt trois ans

            Ils se connaissent, ont fait des projets d‘avenir, ils veulent vivre ensemble, ont loué un logement, ont choisi leurs meubles, ont programmé la venue de leurs enfants, du moins autant que faire se peut, ils vont enfin, devant le magistrat communal, unir leur vie.

            Jour faste, jour heureux évènement auquel ils ont convoqué la famille, bien sûr, mais aussi les amis et connaissances.

             Il fait beau dehors, le soleil brille, le ciel est bleu, c’est le printemps, l’avenir est à eux.

            Un peu de retard, c’est normal, une femme, même le jour de son mariage a toujours des choses a faire et surtout à dire au dernier moment, puis il y a les embouteillages...

            Enfin, le GSM donne son bip, un SMS : “Je regrette. J’ai changé d’avis. Je ne suis pas prête. Pardonnes moi. “

            Le jeune homme est atterré, écroulé, il entend quelques petits rires discrets derrière lui, il voit quelques petits sourires entendu sur les lèvres de certains convives, mais lui, il est dans une autre dimension.

            Adieu espérances élaborées en commun, une trahison de dernière minute, des excuses a présenter au maire de son village, une retraite sans gloire, s’enfermer dans sa chambre en proie à sa tristesse à sa douleur.

            Pour lui, ce jour là, le soleil est froid, il n’est pas brillant, il est noir.

 

 

Espoir de maternité

 

                                                                                                                               Sometimes I feel

                                                                                                                                like a motherless child

                                                                                                                                          Mahalia Jackson

 

          Un  couple plein d'espoir, lui a quarante cinq ans, elle vient d'en avoir quarante et un, ils sont mariés depuis plus de vingt ans, et malgré de solides efforts n'ont pas encore réussis à avoir un enfant.

          Ils ont tout essayé, maintes et maintes fois, ils ont eut aussi maints et maints espoirs, mais toujours sans parvenir au succès.

          Cependant, cette fois-ci, tout se passe bien, Madame est enceinte de huit mois, la chambre du petit (car ce sera un garçon) est prête, des dessins, des tas de jouets déjà, bref le grand espoir.

          Il est temps, car la vie continue et le cycle de fécondité accepte rarement les prolongations, c’est cette fois-ci ou jamais.

          La mère, la belle-mère et même la vieille tante ancienne sage-femme de nos campagnes sont aux petits soins, l’équipe d’obstétrique de la polyclinique du quartier est sur pied de guerre, encore un peu de patience et enfin, l’espoir, l’attente sera comblée.

          Et puis.. Pourquoi ? Ce matin, vers cinq heures ce fut la catastrophe, Madame a perdu l’enfant, sans espoir de viabilité.

            L’effondrement complet, c’était le dernier essai possible, ils vivrons ensemble le reste de leur existence sans descendance, sans petits enfants pour égayer leurs vieux jours.

            Qu’y faire ?

            Comment réagir ?

            Eux-seuls peuvent en sortir.

            Lui seul est capable de rassurer son épouse qui va très certainement culpabiliser de n’avoir pu mettre un enfant au monde, de n’avoir pu combler les espoirs auxquels peuvent prétendre tous les couples.

            Ce jour là, pour eux deux, isolés dans leur tristesse, le soleil est froid, le soleil est noir.

 

 

 

Espoir de promotion

 

                                                                                                                                 Le bûcher des vanités

                                                                                                                                           Tom Wolfe

 

            Comme chaque année, cette grande entreprise réuni ses cadres en un drink de fin d’exercice, un verre de mousseux, quelques zakouskis, un petit message de remerciements de la part du grand patron et la distribution des enveloppes qui situent le niveau de responsabilités et les émoluments de chacun pour l’exercice suivant.

            Moment très attendu et aussi un peu redouté par certains.

            Quelle va être le verdict ?

            André, lui, n’a pas grand chose à craindre, depuis trois ans qu’il est dans la boite, il a donné le meilleur de lui-même, créatif, courageux, plein d’esprit d’entreprise, ayant sa place dans l’équipe, apprécié par ses pairs, actifs lors des réunions de gestion ou de développement, une fois même, il y a moins de deux mois, le grand patron, himself, qu’il avait croisé dans un couloir lui avait tapé sur l’épaule en lui disant.. “Comment allez-vous André, vous faites du bon travail, continuez”.

            Bref, l’optimisme était de mise.

            Après le discours, le toast, le chef du Service du Personnel remets à chacun son enveloppe.

            Le cœur un peu battant, il l’ouvre et déplie la lettre d’espoir qui lui est destinée.

            Comment ? C’est impossible, une maigre augmentation de 1, 5 %, un mot de remerciement et d’espoir de continuation pour l’année qui vient et... c’est tout.

            Autour de lui, d’autres collègues font piètres figures, d’autres exultes, expliquent déjà leurs nouvelles fonctions, la limite ou la non limite de leurs nouvelles responsabilités, tracent aussi des projets sur la comète, se voient déjà en haut de l’affiche.

            Que va dire André à son épouse, eux qui avaient des projets en fonction de l’espoir de promotion ou du moins d’une bonne rallonge de salaire ?

            Que va penser Paulette, son épouse en admiration devant lui, qui est témoin des efforts faits pour progresser dans l’organigramme de la firme ?

            Ne va-t-il pas, à ses yeux perdre de sa valeur ?

            Lui qui tient tant à son épouse ne va-t-il pas la voir se détacher lentement, déçue, doutant de son bon choix ?

            Comment lui expliquer le ou les problèmes dont il ne connait ni les données ni la réponse ?

            André est épuisé, écroulé, il sent venir le découragement, la dépression, pour lui, aujourd’hui, le soleil devient froid, le soleil devient noir.

 

 

Espoir de réussite

 

                                                                                                     Ami, entends-tu le vol noir du corbeau

                                                                                                     dans la plaine ?

                                                                                                     Ami, entends-tu les cris sourds du pays

                                                                                                     qu’on enchaîne ?

                                                                                                                 Joseph Kessel et Maurice Druon (1943)

 

            C’est un homme de grande expérience, plus très jeune, mais un vieux politicien rodé à toutes les ficelles de la négociation, qui a l’avantage de ne pas être affilié à un parti dominant, bref l’homme qu’il faut pour débrouiller les situations les plus embrouillées.

            Et la situation est embrouillée, il est appelé par le chef de l’Etat à “concilier l’inconciliable”.

            D’autres, et pas des moindres ont essayé avant lui, mais tous ont du jeter l’éponge: mission impossible.

            Il va quand même essayer et pendant trois mois, va avoir des dizaines de contacts avec les milieux les plus divers, politiques, économiques, syndicaux, patronaux, des experts en gestion bancaire, des professeurs d’université en économie politique, en gestions financières; tout ce beau monde sera à sa disposition, il pourra le mettre à contribution, il sera toujours prêt à collaborer et aider cet homme à trouver une solution à ses problèmes, à nos problèmes, qui sont aussi les problèmes de toute une nation, dont dépendra le bien-être de plus de dix millions d’habitants.

            Des centaines d’heures de négociations, des nuits blanches à ne plus les compter, des week-ends et des vacances que l’on oublie, auxquels on n’a même pas eu le temps de penser, seront, pour cet homme courageux, patriote ce qu’il aura vécu durant trois mois.

            Plusieurs fois, il a rédigé et présenté à ses confrères politiciens des solutions transitoires, chaque fois, la réponse était: “... Oui, mais ...” , et chaque fois il remettait son travail sur le métier, le peaufinait, le présentait au Chef de l’ Etat, cherchait auprès de lui un encouragement, un conseil et inlassablement continuait à travailler.

            Des problèmes familiaux, tels que tous nous en avons tous, ne l’ont pas épargné non plus, il y a consacré un minimum de temps et s’est remis à la tâche.

            Finalement, un espoir, une dernière mouture semblerait être un bon départ à une discussion durant laquelle seuls quelques détails viendraient à être modifiés.

            Il semble avoir une solution, il respire, le sourire réapparait sur son visage, ses traits tirés par la fatigue et le stress semblent se détendre.

            Et vient la présentation finale de ce qu’il pense être son dernier rapport, rapprochant tous les points de vue.

            Soulagement, les cinq premières réponses sont positives, mais les deux dernières font échouer, chavirer ce vaisseau patiemment construit, planche par planche des mains de cet homme courageux.

             Il ne pouvait penser, ou du moins il espérait qu’il n’y avait pas d’agenda caché.

            Hélas, il doit déchanter, dès le début, son travail semble, actuellement, avoir été voué à l’échec.

            Des considérations bassement politiciennes, électoralistes semblent devoir l’emporter sur la notion de bien être de la Nation.

            Trois mois de travail dans l’enthousiasme, trois mois à écarter les écueils, à chercher à trouver des solutions alors que dès le début les dés semblent avoir été pipés.

            Que va-t-il faire, rendre rapport au Chef de l’Etat, au Roi, au père de la nation, se ressourcer, chercher du réconfort ou peut-être simplement retourner à ses occupations.

            Il est découragé, on a joué avec lui, avec ses capacités de travail, avec son esprit patriotique, avec son expérience, avec le respect que chacun lui doit, il en est conscient, pour lui, aujourd’hui, le soleil est froid, le soleil est noir.

 

 

 Espoir de liberté

 

                                                                                                                Let my people go...

                                                                                                                        Paul Robeson

 

            Dans une salle d’audience de la cour d’assises, un homme jeune, vingt-cinq ans attend son jugement.

il est accusé de meurtre, mais il es innocent, réellement innocent, il le sait, son avocat aussi.

            Il était au mauvais moment au mauvais endroit et tout semble l’accuser, mais il a confiance.

            L’avocat général n’a pas été tendre avec lui, mais c’est son métier; par contre son avocat, celui de la défense a été admirable de conviction et l’issue du verdict ne fait aucun doute, ce soir, il sera relaxé, il sera libre, ce soir, il sera dans les bras de sa petite amie, ils pourront voir l’avenir en rose, envisager de se marier, car elle l’a attendu durant ces deux longues années d’enquête durant lesquelles il était en détention préventive.

            Enfin, le jury sort de la salle de délibération, il tend l’enveloppe au Président du tribunal, le justiciable et son avocat échangent un clin d’œil d’espoir, de certitude.

            “ Le jury déclare ....? coupable !”.

            Vingt cinq ans de servitude pénale principale.

            Avec un peu de chance, avec beaucoup de chance, il sortira de prison dans six ou sept ans.

           C’est la fin de ses espoirs, de nombreuses années de solitude, de galère l’attendent dans un enfermement physique et psychologique.

            Adieu l’espoir de faire sa vie avec son amie, il est condamné par un jury d’assise, sans possibilité d’appel, il est emmené entre deux gendarmes vers son destin, vers son isolement d’ encore au moins six ans.

            Le soleil, pour lui, est devenu froid, le soleil est devenu noir.

 

 

 

Espoir de réconciliation

 

                                                                                                            Nobody knows the truble I ‘ve seen

                                                                                                                            Louis Armstrong (1962)

 

            Le vieil homme était heureux en cette soirée de Saint-Sylvestre, il avait pu ouvrir sa maison à toute sa famille.

            Il faut vous dire que depuis plusieurs décennies, il y avait un imbroglio impossible à dénouer, ses fils, filles, beau-fils, belles filles, petits enfants étaient en éternelle bisbrouille.

            Les raisons ?

            Plus personne n’en savaient réellement la cause, quelques mots mal interprétés, des jalousies féminines, de sombres histoires d’intérêts commerciaux ou d’héritage ou d’autres circonstances oubliées depuis longtemps.

            Il y a trois ans, qu’il était veuf et depuis le décès de son épouse il n’avait eu de cesse que de réunir la famille, de pouvoir réaliser la réconciliation qui serait pour lui le sommet, le couronnement de sa vie qu’il savait toucher à sa fin.

            Et aujourd’hui,, ils étaient tous là, s’étaient salués, embrassés comme si jamais il ne s’était rien passé.

            Les verres et les zakouskis avaient circulés dans une bonne humeur non feinte.

            Le fruit du travail de l’ainé de la famille était bien là; que de coups de téléphones, de messages, de visites, de discussions, de gentillesses, de petites choses gentilles ont été nécessaires pour en arriver, après trois ans d’efforts à ce résultat.

            Vraiment un bon jour plein d’espoir.

            Et puis, que s’est-il passé ?

             Là bas, derrière le sapin de Noël illuminé, un mot plus haut que l’autre, était-ce une belle-fille, un gendre ou autre chose, mais le ton monte, les invectives surgissent, des clans se forment, des vieux souvenirs reviennent à la surface, c’est la pagaille générale.

            Oubliés les verres à demi vides, les plateaux de gâteries, le vestiaire se vide, les manteaux sont retirés, les visiteurs quittent la maison, furieux, remontent dans leurs voitures et disparaissent.

            Le vieil homme reste seul, avec une de ses petites filles qui a eut pitié de son Papy et le console comme elle peut.

            C’était la dernière possibilité de réunir tout le monde, l’aïeul sait qu’il n’aura plus le temps de reprendre ses efforts, de recommencer cette lutte diplomatique, sera-t-il encore là à la fin de l’année, à la prochaine fête de Saint-Sylvestre... après la déception de ce jour.

            Il est certain qu’il quittera ce monde sans avoir pu rapprocher les membres de son lignage, il laissera derrière lui une famille en charpie, une honte pour un patriarche.

            Tout cela parce que, certains, égoïstes, orgueilleux, n’ont vu en cette fin d’année que leurs petites mesquineries de terriens terre à terre, heureux d’avoir eu raison, de quoi ?

            Ils n’en savent rien eux même.

            Mais pour cet homme, pour ce vieil homme qui cette nuit est devenu encore bien plus vieux, c’est un drame, un échec final, une défaite de fin de vie qui lors de la dernière minute de sa vie viendra encore hanter son agonie.

            Ce soir, pour ce Papy, le soleil est froid, le soleil est noir.

 

 

 

Erreur irréversible

 

            Mais le soleil noir n’apparait pas seulement à ceux qui ont eu un grand désespoir, une grande déception qu’ils ont difficile de surmonter.

            En 1932, dans la province du Bandundu, au Congo alors belge, un jeune géomètre courageux nous a laissé un bien triste témoignage.

            C’est en ayant la possibilité de consulter des archives familiales que je suis tombé sur l’anecdote.

            Cet homme courageux était géomètre de profession, il partait en brousse où il vivait sous tente, loin de tous chemins de tous sentiers, de toutes agglomérations durant parfois plus de 15 jours.

            Son travail consistait à partir d‘un point géodésique connu, de faire une base précise à la chaine d’arpenteur puis une suite de triangulations au théodolite pour relever les limites d‘une région, d‘une concession, de clôturer ses polygones et après report sur papier adéquat de rendre son travail à ses supérieurs..

            Il partait avec une petite équipe, un domestique, quelques militaires, des porteurs et aussi quelques travailleurs pour tracer les percées dans la brousse.

            Tout ce petit monde vivait en autarcie pendant souvent deux semaines, avec un rythme de travail bien précis, la matinée, percées, relevés, prise de notes et les après midi, les calculs, les croquis et les schémas.

            Après deux semaines de ce labeur, c’était le retour dans un poste où, sur une vraie table à dessins, les données étaient reportées, les calculs une nouvelle fois vérifiés et les plans tracés en cinq exemplaires et signés.

            Sur le terrain, naturellement, le géomètre était seul européen, et devait veiller à la discipline mais aussi à l’alimentation de sa petite troupe.

             Il chassait pour assurer le ravitaillement en protéines.

            Un jour, il voit dans ses jumelles un beau groupe d’une cinquantaine d’antilopes et il décide de renouveler le garde-manger.

            Après quelques approches, il se trouve face à face à cinquante mètres avec un magnifique mâle qui le regarde dans les yeux et ne bouge pas.

            Normalement, la bête devait détaler de toutes la vitesse de ses pattes, mais ce n’est pas le cas.

            Elle est ajustée, et immédiatement foudroyée.

            Derrière elle, une autre antilope dresse la tête et subit le même sort.

            La petite troupe qui accompagnait le chasseur alimentaire se déchaine, des chants, des cris, une joie et bientôt le dépeçage.

            Mais... horreur ! Du moins pour l’européen, la seconde antilope était une femelle qui mettait bas, une jambe était déjà sortie et le mâle surveillait.

            Tête basse, le Nemrod est rentré dans sa tente, les larmes aux yeux, il avait presque commis un crime, il avait anéanti toute une famille, le mâle qui protégeait sa compagne en train de mettre au monde.

            Si cela ne semblait aucunement déranger les Africains, pragmatiques, pour l’Européen c’était un drame, un acte qui allait à l’encontre de ses principes.

             Il était seul dans sa tente, en proie à ses états d’âme; ses travailleurs exultaient, un gouffre entre deux cultures.

            Ma petite fille aurait certainement développé cela comme exemple dans un travail d’ethnopsychiatrie.

            Ce courageux géomètre, ce jour, a vu le soleil devenir noir.

 

 

 

La Saint Sylvestre, un pré-carnaval

 

            Les réunions à l’occasion de la nativité sont pour moi assez sympathiques, ce sont des réunions de type rurales, il y a la paille, l’auge, les bergers, les moutons, l’âne, le bœuf, l’étable, le chien et dans ma jeunesse, on allait à la messe de minuit, on se retrouvait entre voisins, en famille, c’était convivial à souhaits, villageois.

            A la Saint-Sylvestre, par contre, c’est très différent, plus citadine, une grande réunion de personnes qui ne se connaissent pas, qui défilent dans les rues en faisant semblant d’être gaies, ils chantent, ils crient aux étoiles, ils se côtoient sans se voir, il est de coutume de se défouler mais il n’y a pas de réel ciment entre les composants.

 

                                                                                                                             America, the beautiful

                                                                                                                                   Katharine Lee Bates (1895)

 

            Un des plus beaux chants patriotiques américain, chantés par tout ce qui sait ou savait chanter, Elvis Presley, Louis Armstrong, le Mormon Tabernacle, Ray Charles, Whitney Houston, mais surtout, pour moi la meilleure exécution est celle de Barbra Streisand.

            Dès que ce chant émerge, toutes les personnes présentes se lèvent, au garde à vous, la main sur le cœur et entonnent à pleine voix cet hymne à la fierté d’être américain “ Proud to be American”, sans distinction de races, d’origines ou de religions, une vraie foule telle que la concevait Gustave Lebon.

 

                                                                                                                                  Petit pays, petit esprit

                                                                                                                                         Léopold II

 

          Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas parfait, loin d’être un paradis idyllique pour ses habitants, mais ceux-ci sont fiers d’être américains.

            Qu’en est il de nous, Belges ?

            Si nous pouvions avoir un chant patriotique qui nous unirait tous avec autant de ferveur, nous aurions depuis longtemps remisé nos complexes et oublié les termes bien mal venus d’un de nos souverain.

 

            Le soir de la Saint-Sylvestre, la population qui déambule dans les rues des capitales ne constitue pas une foule, mais seulement une masse de gens en couples, en famille, entre quelques amis, autant de petites unités qui sont très rarement unies par un même idéal, par une même idée.

            Loin des foules américaines devant un chant patriotique qui constituent un ensemble homogène, les participants aux festivités de nos grandes villes la veille du Jour de l’An sont autant de microcellules qui n’ont aucun idéal commun.

            Chacune de ces micro-unités est isolée ou quasi isolée de sa voisine, chacun vit sa soirée comme il l’entend.

            Il y a le feu d’artifice, c’est intéressant à voir, cela dure vingt minutes.

            Vingt minutes durant lesquelles les effets pyrotechniques tentent symboliquement de réveiller le soleil par leurs éclats colorés, vraiment très beau

            Les Egyptiens aussi, tout les matins remerciaient le Dieu Rà de daigner les revisiter.

            Et puis après, chaque petit groupe de cette masse, prend un dernier verre, fait éventuellement quelques pas de danse et rentre chez lui pour sombrer dans un sommeil profond.

            Vers onze heures, parfois plus tard, un dur réveil attend les fêtards, un Dafalgan effervescent pour faire passer le mal de tête et une tasse de café bien chaud avant de traîner sa flemme dans la maison le reste de la journée.

             Enfin ils auront passé, suivant la tradition un excellent Jour de l’An et devraient se trouver en pleine forme pour commencer, dès demain, leur travail habituel jusqu’au prochain Saint-Sylvestre.

            J’ai eu de la chance, je n’étais pas seul durant cette soirée, nous étions, mon épouse et moi-même devant la télévision à regarder un concert d’André Rieux à New-York.

 

 

                                                                                                                                    Oh ! happy day

 

            Très bonne soirée, comme d’habitude avec André Rieux, un excellent “America the beautiful ” puis, l’inévitable “Oh ! happy day” massacré par un groupe Gospel qui a fait une bien minable prestation.

            Au moment ou ils ont commencé a célébrer ce jour joyeux, cela a été plus fort que moi j’ai eu une émotion, les larmes ont jailli de mes orbites.

            Pourquoi, ce Jour de l’An devrait-il être un jour heureux, un “happy day”, il n’y a vraiment aucune raison, pas plus qu’hier ou que demain.

            Voulait-on célébrer la fausse joie, la joie prévue, contrainte, programmée, obligatoire, de ceux qui, dehors, hurlaient à la lune ?

            Je pensais à ceux qui au fond de leur tristesse, de leur désespoir, à ceux pour qui le soleil était noir et qui n’avaient que faire du tintamarre de ferrailleurs qui se déroulait bien au dessus d’eux.

            C’est à eux que je pensais et ce sont eux qui étaient la cause de mon émotion.

            Ils étaient seuls, face à eux même, devant leur douleur et personne ne pouvait les consoler et certainement essayer de les convaincre qu’aujourd’hui, premier janvier 2011, c’était un “happy day”, car pour eux, le soleil était noir.

 

                                                                                                                             When the saints

                                                                                                                             go marching in

                                                                                                                                    Tous les jazzmen du monde

 

 

            Il est rare et je n’aime guère terminer un texte sur une note pessimiste, j’aurais préféré voir au fond des ténèbres de ce soleil noir une petite étincelle, une bougie lointaine qui aurait donné un peu d’espoir à ceux qui pensais ne plus pouvoir espérer de rien.

            J’aurais pu alors invoquer la parade finale de toute prestation des jazzmen du monde, un espoir que le jour de la résurrection, ils seront parmi les élus.

            J’ai cherché et malheureusement, je n’ai pas trouvé.

 

 

             Veuillez, chers amis m’en excuser.

 

 

                                                                                                                              E.A.Christiane

 

 

                                                                                                                     Anderlecht le 10.01.2011

 

 

                                                                                                                           

 

 

.                                                                                                                                          

 

 

 

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