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17 septembre 2006 7 17 /09 /septembre /2006 17:51

Guérisseur au nom d'Allah

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                           Le paradis et l'enfer sont en toi.

                                               (Omar Khayyâm)

                           Allah est la lumière des cieux et de la terre.

                                               (Le Saint Coran - XXIV - 36)

 

Dans les années 1963-1964, je me trouvais en charge d’une plantation de 2.550 hectares de palmiers à huile, le long du fleuve Congo (à l’époque, Zaïre maintenant) et mon bureau se trouvait sur le site d’une très vieille exploitation agricole, à Barumbu.

Un après-midi, déambulant dans la brousse aux alentours de mon bureau, je tombe sur une sorte d’autel, quelques ossements non déterminés, des graines, quelques plantes dont des sansevières, de la poudre indéfinissable, un reste de bougie, le tout protégé par un petit toit en feuilles de palmiers.

Curieux de savoir ce dont il s’agissait, je surveille discrètement le lieu et après quelques jours m’aperçois qu’il est fréquenté par un homme entre deux âges, à première vue arabisé.

Je décide de faire sa connaissance.

Il se faisait appeler Omar, vêtu d’une djellaba qui fut blanche, d’un petit calot blanc graisseux brodé de fils d’argent, les pieds dans des sandales et une petite barbiche.

Aimable, courtois et assez bavard, nous avons eu de nombreuses discussions dans mon bureau, en tête-à-tête et à cœur ouvert, en tout cas en ce qui concernait la politique et ce que l’on appelle assez péjorativement “le colonialisme”.

Il se disait congolais, ce que je voulais bien croire, musulman, probablement converti, Shî’ite et Ismaélien, ce dont je doute étant donné qu’il s’appelait Omar.

En tous cas, s’il était Shî’ite-Ismaélien, il aurait plutôt dû se dénommer Ali, je ne vois pas très bien un Pape de Rome se faisant appeler, lors de son élection “ Martin Luther 1er - Evêque de Rome et chef de l’Eglise catholique romaine”.

Lorsque je posai la question à Omar, il m’a simplement répondu que le nom n’avait pas d‘importance, mais que c’était la conviction qui comptait ...

Il faisait ses cinq prières par jour, respectait le ramadan, je ne sais s’il pratiquait l’aumône, mais en tout cas il me saluait par un fervent Salam Aleikum suivi d’Allah Akbar chaque fois que nous nous rencontrions.

J’ajouterai qu’il désirait de tout son cœur faire le pèlerinage à La Mecque avant de mourir.

Nous avons souvent discuté religion, il était un fervent admirateur du Prophète (Dieu l’accepte en son saint Paradis) mais lorsque je lui demandais quelles étaient les principales divergences entre les différentes factions de l’islam, il me répondait invariablement qu’il n’y avait que les Ismaéliens qui comptaient et que le reste n’était que dissidence. Je n’ai plus insisté.

Omar, distillant une certaine aura de mystère autour de sa personne, exerçait le métier de “médecin traditionnel” autrement dit sorcier.

A cette différence près, qu’il ne donnait jamais de médication (c‘est lui qui me l‘a affirmé), il imposait les mains, disait et faisait dire des prières, priait avec ses patients, faisait des incantations et ses malades, physiques ou psychologiques, s’en retournaient mieux qu’à l’arrivée; finalement c’était le principal, le but de la consultation.

Il semblerait que le métier nourrissait son homme, sans excès mais suffisamment.

Il n’avait aucun état d’âme, il reconnaissait faire du bien autour de lui, très souvent uniquement par sa présence, mais savait qu’il ne devait pas m’en conter; je ne lui ai jamais fait de reproches ni essayé de lui prouver que ses interventions n’étaient guère rationnelles sur le plan scientifique, quoique je doive convenir qu’il était assez bon psychologue.

Nos relations se sont prolongées plus d’un an, au rythme d’une entrevue tous les quinze jours, puis un beau jour, il a disparu, je n’ai plus jamais entendu parler de lui.

C’était très peu de temps avant l’arrivée dans notre plantation de la rébellion muleliste.

Y avait-il un lien entre les deux évènements, je ne l’ai jamais su et jamais personne ne me le dira.

Vous me demanderez ce que je pouvais bien trouver d’intéressant chez Omar.

Tout nous séparait, nos origines, la race, la langue, la religion, la formation, la manière de vivre, je pense avoir été toute ma vie relativement rationnel, il était empirique quoique sincère et finalement pas tellement malhonnête.

Il faut écouter ce genre de personnage, cela nous ouvre de nouveaux horizons, cela nous permet de mieux comprendre l’autre, c’est ce que nous appelons la TOLERANCE, probablement la qualité la plus importante, celle que je transmettrai à mes petits-enfants si je ne devais en transmettre qu’une seule.

Cependant, je n’aime pas ce mot tolérance, même si l’idée que nous nous en faisons est merveilleuse, à sublimer, mais le nom lui-même a une connotation condescendante, on tolère quelque chose qui nous semble contre nos convictions, inférieure à notre élévation d’esprit.

Au mot tolérance, je préférerais “une acceptation inconditionnelle, dans une égalité absolue”.

Lors de nos conversations, Omar, tel qu’il était, et moi-même avons toujours discuté sur un pied d’absolue égalité; c’est cela qui nous a permis de nous apprécier mutuellement.

 

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